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Eric Baudin : une mécanique bien huilée

Eric Baudin (à droite) a fait des stages avec les plus grands.

Portrait. « La cuisine, c’est l’art de transformer un besoin vital en plaisir ». Tel est le credo d’Eric Baudin, cuisinier retraité du Relais des nations à Saint-Dizier. Il a acquis ses diplômes, son expérience à force de travail, de volonté et de rigueur.

Formé par les Compagnons du devoir, Eric Baudin travaille dans la mécanique puis il se marie. Et tout change. Son épouse, Marie-Pierre, est la fille des propriétaires du Relais des nations, Arthur et Charline Brulé. Son beau-père dirige la cuisine d’une main de maître. « Ma femme a demandé à son père si je pouvais cuisiner, il a répondu : pas de problème, il vient demain. », se souvient Eric.

« J’étais alors le gendre du patron, sans formation culinaire, le gâte-sauce, le subalterne. J’ai passé mon CAP en six mois puis j’ai eu le brevet de maîtrise, en même tant qu’une quinzaine de coiffeuses ! »

Un monde inconnu

Parallèlement à son travail, Eric suit les stages de chefs étoilés. D’abord chez Gaston Lenôtre. Il découvre un monde inconnu. « C’était formidable ! J’ai refait tous les desserts pendant un an, je les ai toujours en mémoire ! J’y ai rencontré Joël Robuchon, Eric Leautey, Daniel Tache et des MOF (Meilleurs ouvriers de France) ». Le Grand Ecuyer, restaurant gastronomique de Cordes-sur-Ciel (Tarn) du chef étoilé Yves Thuriès, l’accueille pour une semaine. Il y travaille avec Gérard Praud et Jean-François Arnaud. « Levés à 4 h du matin, on bossait jusqu’à 16 h puis on allait visiter les vignes. » Ces stages lui ont laissé des souvenirs inoubliables. « On arrivait à former un groupe, une cohésion. »

Aux stages à Troyes, à Yssingeaux, à Chaumont, à Dijon, succèdent des formations sur place. Eric apprend à cuisiner sous vide « pour travailler avec moins de personnel et plus rapidement. La grosse marmite qui mijote au coin du feu, c’est pratiquement terminé (rires) ! Avant, au Relais, on fabriquait les fonds de sauce, les fonds de veau, les gelées, car le patron allait à Rungis se procurer du poisson, du gibier, de la volaille. Tout se cuisine maintenant sous vide, du magret de canard à la côte de veau entière qui cuit à 85°, suivant le produit, d’une à dix heures, en passant par le poisson dans une poche d’eau à 85° pendant un quart d’heure. On ouvre, c’est fini ! » Lorsqu’on lui demande si cela n’altère pas la qualité des mets, Eric s’esclaffe : « C’est sûr, il n’y a pas la réaction de Maillard où la viande et le poisson saisis à feu vif renferment les sucs et sont croustillants. Mais, sous vide, on cuit la viande au degré près. » Eric prépare ainsi la souris d’agneau « pendant 18 heures au four à 80°, elle est d’une tendreté exceptionnelle ! » Il réalise l’œuf parfait, cuit pendant environ une heure et demie dans une eau à 65°, avec une sonde réglée au dixième près. Il affirme : « C’est extraordinaire en bouche, le jaune et le blanc ont la même consistance, servi avec des morilles, du foie gras, dans une salade ».

D’élève à formateur

Eric a donné des cours au Greta, là où il a obtenu son CAP. « D’élève, je suis devenu formateur », s’amuse-t-il. Il est intervenu dans les écoles pendant la Semaine du goût. Il ajoute : « Il y a sept ans, j’ai proposé des cours gratuits aux mairies alentours, seule la MJC d’Ancerville a répondu favorablement. » Depuis, il coache les cuisiniers en herbe à Ancerville et à Roches-sur-Marne. « Pour établir un programme, j’ai recours à mon petit carnet, truffé d’inscriptions, de dessins griffonnés à la va-vite. C’est mon pense-bête ! J’ai prévu le “batch cooking” : travailler une demi-journée pour les mets de la semaine, on optimise le temps de travail et le four en y glissant trois plats au lieu d’un seul », ajoute-t’il.

Eric n’invente pas de recettes, il modifie une base relevée dans ses livres, les bibles de stage, « jamais sur Internet ou à la télé ! Les seuls qui m’ont fait vibrer, c’est Jean-Pierre Coffe et Maïté ! », explique-t-il. « Avant chaque cours, je déroule les étapes d’une recette dans ma tête, je visualise le matériel nécessaire. Au début, j’étais stressé, mais je me suis rendu compte que les gens recherchent avant tout du loisir ! Donc, on ne se prend pas au sérieux, mais on sort de jolis plats quand même ! »

Pour Eric, la cuisine est avant tout le plaisir des yeux. « Le décor, l’aspect visuel sont plus importants que le mets lui-même. Je préfère passer un quart d’heure à la présentation plutôt que travailler une crème au beurre dont la touche gustative échappera aux convives ! Un aspect final parfait, c’est comme un cadeau qu’on reçoit. »

« Comme un défilé de mode féminin »

Eric est flexivégétarien, mange peu de viande, un peu de poisson, mais des légumes et le riz sous toutes ses formes. « J’adore le poisson ! C’est comme un défilé de mode féminin, avec toutes ses déclinaisons. On peut le cuire poché, en feuille de brique, en habit de neige (pané aux pommes de terre et doucement coloré), mariné, au sel, au four, gravelax, fumé, en feuilles de riz, à la vapeur, en infusion comme le couscous, en quadrillage. Les recettes sont multiples comme le veau aux langoustines, le roulé de lotte au chorizo, le merlan en colère (on lui retourne la tête dans la queue, on l’ouvre, puis au four en cuisson bonne femme), la sole Colbert », explique Eric. « Certains mots se marient aux légumes ou aux plats de manière incongrue, comme les carottes vichy, les lentilles Esaü, le gibier Agnès Sorel. » Le sucre attire aussi Eric pour les façons de le mettre en forme (soufflé, coulé, tiré) et pour travailler les décors : « Tempérer un chocolat ou un sucre, c’est presque de la chimie. J’ai réalisé un sac Vuitton en scones, en pâte à sucre et au chocolat pour une amie qui ne pouvait pas s’en offrir un vrai ! J’en ai relevé les cotes dans un magasin de maroquinerie. Ça m’a pris une semaine de réflexion et trois jours de travail. »

Eric Baudin peaufine ses cours. Il livre des astuces : « Comment cuire du poisson sans que l’odeur se répande ? Simplement à basse température avec un appareil sous vide. » Il ajoute en riant : « Si on n’en a pas, c’est là que les cours interviennent ! On met le poisson dans une poche à glaçons avec deux fermetures zip, on la descend dans l’eau : la pression chasse l’air, on ferme les zips et on laisse cuire ! » Il met en bocaux, qu’il stérilise, gibier, légumes crus, terrines, rillettes, pâtés de foie, fruits.

Eric récolte les champignons, l’asperge des bois, les mûres, l’ail des ours. Il est apiculteur et se désole de l’invasion des frelons asiatiques. « J’en ai tué une centaine cette année, je devrais peut-être apprendre à les cuisiner (rires) ! »

Comme le disait le chef Joël Robuchon : « On ne peut pas faire de cuisine si l’on n’aime pas les gens. » La maxime correspond parfaitement à la personnalité d’Eric Baudin.

De notre correspondante Catherine Millot

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