Du Buffet de la gare de Saint-Dizier à l’Hôtel de Paris à Monaco
Jean-François Pierson est né à Saint-Dizier dans le quartier des Ajots. Après quelques places comme cuisinier à Saint-Dizier et la région, il s’est installé définitivement sur la Côte-d’Azur où il a côtoyé les plus grands chefs. Des étoiles plein les yeux !
Jhm quotidien : Par quelle porte êtes-vous entré dans la cuisine ?
Jean-François Pierson : La vie réserve quelquefois des surprises. A 14 ans, j’avais peur d’allumer le gaz sous la cuisinière de mes parents et mon défi a été d’apprendre le métier de cuisinier ! Il faut préciser que notre mère a toujours aimé la bonne cuisine, la préparer et nous la faire déguster. J’ai débuté en apprentissage au Buffet de la gare de Saint-Dizier à partir de septembre 1964, à l’âge de 15 ans où j’ai fait mes premiers pas dans ce métier, certes riche en satisfactions créatives, mais pénible malgré tout par les conditions de travail de l’époque : dix heures par jour, un jour de repos par semaine, les coupures midi et soir (pas de blessures mais interruptions de service, ndlr), des dimanches et jours fériés travaillés, beaucoup de sacrifices à cause des congés décalés par rapport au travail de mes amis, et de mon frère lycéen. La partie théorique était enseignée au lycée Saint-Exupéry et par des cours par correspondance de l’école Hôtelière de Paris et j’ai obtenu mon CAP en 1967.
jhm quotidien : Ensuite, quelles ont été vos premières armes dans le métier ?
J.-F. P. : Un bref passage à l’Hôtel de la Haute-Mère Dieu à Châlons-sur-Marne où j’ai pu apprendre une cuisine plus élaborée de haut niveau. Puis est venu l’appel sous les drapeaux en 1968 et mon affectation au ministère de l’Air à Paris où j’ai exercé mon talent dans les cuisines du mess des officiers. De retour à la vie civile et à ma ville natale, l’Hôtel du Soleil d’Or de Saint-Dizier proposait un emploi de cuisinier que j’ai occupé jusqu’à ma première échappée en Corse, répondant à une annonce parue dans le Journal de l’Hôtellerie, engagé comme premier commis au Grand Hôtel de Cala Rossa à Porto-Vecchio pour la saison d’été. C’est là que j’ai appris à cuisiner les poissons de mer avec beaucoup d’intérêt.
Trouver une nouvelle place pour l’hiver
A la fin de cette saison d’été, il me fallait trouver une nouvelle place pour l’hiver, et hormis une saison à la montagne, je passais mes hivers dans des grands hôtels dans l’est, le Terminus Reine à Chaumont, puis à Reims à l’Hôtel de la Paix. Pour ne pas rester inoccupé et dans un tout autre domaine non culinaire, je participais à la saison des betteraves (sucrières) dans le Nord avec des amis bragards.
Après un hiver passé à l’Hôtel Plazza à Nice, j’ai posé ma candidature pour un poste de chef de partie à l’Hôtel Méridien pour l’inauguration de ce palace niçois. C’est là que j’ai découvert le travail en brigade composée d’une vingtaine de cuisiniers en production et service soigné.
Mais mon appétit de changement, de découverte du métier, et d’ouverture de mes horizons professionnels m’ont conduit à accomplir la saison d’été dans un restaurant de plage à Villefranche-sur-Mer, où je profitais de la plage pendant mes coupures. Puis, le chef avec qui j’avais travaillé en Corse m’a proposé pour la saison d’été un poste de chef de partie au sein de la brigade du Grand Hôtel du Cap à Saint-Jean-Cap-Ferrat, ce splendide hôtel situé à la pointe du cap dans un parc de 6 ha avec tennis, piscine d’eau de mer, appartements privatifs, et une étoile au Guide Michelin. J’y suis resté pendant sept années durant lesquelles j’ai été promu chef de partie.
La période monégasque
A la suite est arrivée mon installation définitive sur la Côte-d’Azur, où j’ai rencontré ma femme. Une offre de chef de partie par l’intermédiaire d’une agence d’emploi hôtelière m’a conduit à l’Hôtel Métropole à Monte-Carlo, où je suis resté pendant trois ans. En 1981, la restructuration de cet hôtel m’a rendu prioritaire pour intégrer la Société des Bains de Mer de Monaco qui gère dans la Principauté de nombreux actifs dans l’hôtellerie de luxe et les loisirs avec ses 4 500 employés.
C’est alors que je suis entré au Café de Paris, sur la place du Casino où j’ai travaillé pendant six années jusqu’à sa rénovation.
En 1986, une place m’a été proposée à l’Hôtel de Paris, ce qui m’a donné l’opportunité de rencontrer Alain Ducasse qui prenait alors les commandes de chef des cuisines de ce palace de renommée internationale. Après un court séjour aux cuisines de la Salle Empire comme saucier et rôtisseur, on m’a orienté à la cuisine du Grill (une étoile au Michelin), au huitième étage, avec toiture escamotable. Là, dans cette salle, qui offre un panorama exceptionnel sur la Principauté jusqu’aux côtes italiennes, j’ai réalisé les plats de cuisine méditerranéenne devant les clients parmi lesquels la famille princière, des personnalités de la jet-set mondiale, ou issues du monde de la politique et du showbiz, les plus grands artistes qui séjournaient dans cet hôtel de grand luxe. Le rack vertical des barbecues dégageait une telle chaleur qu’il irradiait les premières tables de la salle. Je grillais les langoustes vivantes, le concept de souffrance du monde animal n’était pas encore pris en compte.
C’est comme chef entremétier que j’ai effectué mes dix dernières années au restaurant Côté Jardin, un troisième restaurant qui fait partie de ce complexe hôtelier.
En débutant au Buffet de la Gare de Saint-Dizier et en terminant ma carrière à l’Hôtel de Paris 45 années plus tard, j’ai pris conscience que la réussite, c’est au travail d’équipe qu’en revient le mérite.
Propos recueillis
par notre correspondant Philippe Pierson