Emmanuel Fombaron a refait sa vie avec Simone
Emmanuel Fombaron est un ancien graphiste. Il aurait peut-être voulu être chanteur de rock. Mais depuis le 11 juillet 2022, il est le cuisinier de la cantine associative de chez Simone à Châteauvillain. Rencontre avec celui qui régale les papilles et les âmes.
Jhm quotidien : Pouvez-vous nous résumer votre parcours avant d’arriver derrière les fourneaux de la cantine associative chez Simone ?
Emmanuel Fombaron : J’ai eu plusieurs vies professionnelles variées avant d’arriver chez Simone. Je suis natif de Lorraine. J’ai commencé par des études de graphisme à Nancy, complétées d’une licence en médiation culturelle à Metz. A l’époque, niveau cuisine, c’était plutôt kebab-frites. A la fin de mes études, j’ai exercé pendant cinq ans en tant que graphiste en agence de communication dans un train de vie bien citadin. C’est aussi à cette période que je partais travailler à chacun de mes congés comme directeur de colonie de vacances à travers la France et à l’étranger. C’est là où j’ai fait mes premières expériences en cuisine de collectivité… sur un réchaud à gaz ! A l’âge de 30 ans, mon envie de continuer à voyager et apprendre s’est concrétisée par une mission de volontariat en Equateur, en Amérique du Sud, pendant un an, une expérience incroyable qui continue de me nourrir aujourd’hui. J’ai, par la suite, résidé en Bretagne pendant quatre ans, et j’ai finalement rejoint ma compagne en 2017 en Haute-Marne. Après quelques expériences et un bilan de compétences, j’ai décidé de me former à distance et de passer un CAP cuisine en candidat libre. Cinq jours après l’avoir obtenu, je travaillais à Simone !
Jhm quotidien : En quoi cuisiner pour une cantine associative est-il différent ? Qu’est-ce qui vous a plu dans cette démarche associative ?
E. F. : Déjà l’appellation cantine n’est pas anodine. Nous avons un menu unique qui se veut être le même pour tous nos clients. J’avoue que je me reconnais plus dans l’idée d’une cuisine saine, fraîche et gourmande, peut être avec plus de simplicité mais accessible au plus grand nombre, que dans une cuisine très élaborée, élitiste avec des produits des quatre coins du monde avec un bilan carbone désastreux auquel seule une clientèle aisée pourrait accéder.
La première rencontre à Simone a été un coup de foudre. J’ai été frappé par l’ouverture du lieu, le projet associatif, la cuisine ouverte en contact avec la clientèle. Si aujourd’hui je me sens bien à Simone c’est parce que j’adhère au projet de l’association. C’est un lieu qui fait du lien et qui est ancré dans le territoire et l’histoire de sa commune. Nous pouvons avoir dans la cantine des artisans, des artistes en résidence, des touristes et bien sûr des locaux. C’est la vraie magie du lieu et il m’arrive d’arrêter de cuisiner 30 secondes pour avoir le plaisir de m’en rendre compte. Nous avons une clientèle incroyablement bienveillante qui parfois ne sait pas ce qu’elle va manger le midi mais qui nous fait confiance parce que nous ne cuisinons qu’avec des produits frais et de qualité, cela se ressent directement dans l’assiette.
Jhm quotidien : La volonté de la cantine associative est de maintenir des petits prix afin d’être accessible au plus grand nombre. Comment arrivez-vous à relever le défi dans ce contexte inflationniste ?
E. F. : Alors c’est assez simple. Comme nos grands-mères : à Simone nous cuisinons en fonction des saisons et avec des produits que nous pouvons trouver à proximité. Il est vrai que c’est un effort d’adaptation car nous changeons de menu chaque jour et chaque semaine. Mais si on achète local, on peut trouver facilement des produits de qualité, frais et moins cher qu’en grande surface ! C’est une grande fierté de pouvoir proposer à nos clients une cuisine saine car la plupart de nos producteurs sont bio et locaux. C’est une vraie chance de trouver cela en Haute-Marne.
Jhm quotidien : Comment se déroule une journée type en cuisine chez Simone ?
E. F. : En arrivant le matin, je croise ma première collègue Olivia qui fait un énorme travail de nettoyage des lieux. Je fais un point généralement sur mes commandes et les réservations du jour. J’allume la cuisine, je vérifie que tout soit en ordre et je commence vite à lancer les premières préparations. Je suis seul en cuisine et je ne dois pas perdre de temps pour être prêt à midi. Ensuite, Audrey (la serveuse de la cantine), ma collègue indispensable me rejoint à 11 h, le temps de quelques blagues et discussions et le coup de feu arrive vite de midi à 14 h. Nous terminons par un peu de vaisselle, nettoyage et rangement de la cuisine pour que tout soit prêt le lendemain. Je suis un cuisinier chanceux qui garde toutes ses soirées et ses week-ends. Ce qui me permet de conserver une vie de famille. C’est très précieux ! Certains chefs aujourd’hui se questionnent à propos du rythme et de l’organisation du travail et je suis persuadé qu’il y a encore des modèles économiques à créer pour mieux respecter la santé et le rythme des personnes qui travaillent dans la restauration tout en gardant la satisfaction du client.
Jhm quotidien : Quelle place et importance accordez-vous au menu végétarien ?
E. F. : Dès mon arrivée à Simone, nous avons posé un cadre de deux menus végétariens par semaine. Cela peut sembler beaucoup mais nous avons des retours très positifs. Je considère qu’en tant que cuisinier j’ai un rôle à jouer dans les habitudes et les comportements alimentaires de gens que nous accueillons. Les menus végétariens souffrent encore de nombreux a priori (pas assez nourrissants, pas réconfortants…) qu’il faut déconstruire. Notre objectif n’est pas de nous déconnecter de ce que les gens aiment manger mais plutôt de faire passer le message qu’on peut manger moins de viande en mieux et de meilleure qualité. En faisant découvrir, en essayant, je suis persuadé qu’on y parviendra !
De notre correspondante Catherine Jeanson
« Je suis un cuisinier chanceux ! »
Je suis un cuisinier chanceux qui garde toutes ses soirées et ses week-ends, ce qui me permet de conserver une vie de famille. C’est très précieux ! Certains chefs aujourd’hui se questionnent à propos du rythme et de l’organisation du travail et je suis persuadé qu’il y a encore des modèles économiques à créer pour mieux respecter la santé et le rythme des personnes qui travaillent dans la restauration tout en gardant la satisfaction du client.