Chef et maître, la force tranquille
Gastronomie. Cuisinier de la République, chef Eurotoque et maître ès foie gras, le chef Thierry Henriot est installé à Joinville depuis 2022, dans les locaux de l’ancienne boucherie Chauvin. Mais il est partout, puisqu’il a décidé d’importer sa cuisine directement chez les particuliers et les entreprises, en devenant traiteur.
Le chef Henriot accueille en sa boutique, l’air drôlement débonnaire pour ce sacré bonhomme. Le goût des bonnes choses éclaire son visage et les rues de Joinville, bien qu’il semble un peu malmené par la modernité de sa machine à café. Logique, son truc à lui, c’est le traditionnel fait main, mais non sans originalité.
Magret de canard sauce huître et miel d’acacia
Thierry Henriot débute un cursus en cuisine à la mi-temps des années 80. CAP en poche, il fait des saisons “à droite à gauche”, intègre quelques maisons réputées et se pose à La Chamade, à l’époque deux étoiles au Michelin, sur la commune de Morzine, dans les Alpes. Puis, vient l’envie de souffler un peu, le rythme est soutenu. Originaire de Romain-sur-Meuse, dans le Bassigny, il rejoint le département et intègre les services de la Ville de Chaumont en tant que chef-cuisinier. Il y restera 30 ans, et brillera sur Youtube notamment grâce à sa recette de magret de canard sauce huître et miel d’acacia.
La République sans les étoiles
« Puis un jour, je ne me reconnais plus dans mon métier. Fidèle à l’administration durant de nombreuses années, je candidate pour devenir cuisinier de la République française. Les chefs cuisiniers qui travaillent pour l’administration ne peuvent pas prétendre aux étoiles », se souvient Thierry Henriot.
En véritable Thomas Pesquet des fourneaux, le chef obtient ses parrainages et se retrouve face un jury, pas des moindres. C’est devant Emmanuel Macron et Guillaume Gomez, chef de l’Elysée et Meilleur ouvrier de France, que Thierry Henriot est intronisé cuisinier de la République en 2020. Dans sa lancée, il poursuit avec l’obtention du label Eurotoque, après neuf mois de travail. Cette labellisation, créée par Paul Bocuse, est accordée aux chefs étoilés ou de très haut niveau (comme par exemple Philippe Etchebest) et seule appellation culinaire reconnue par l’Union européenne. Le but : défendre les meilleurs produits dans chaque pays du continent, et lutter, notamment, contre la pêche électrique.
Foies gras et reins solides
Par envie de démocratiser son savoir-faire et mettre en valeur les produits frais et locaux, Thierry Henriot crée à Joinville un service traiteur. « Je travaille les circuits courts, fruits et légumes locaux, et de saison, bien entendu. Actuellement, c’est les carottes couleurs, patates douces, courges, vous ne trouverez pas une tomate chez moi. La viande est labélisée plaine champenoise et/ou provenant de grossistes qui achètent en local. Une fois par semaine, livraison de poisson frais depuis Rungis. Là sont arrivées des Saint-Jacques de la Baie de Seine, exceptionnelles. Ca défouraille comme on dit », détaille avec malice le chef Henriot. Rarement, un produit congelé, mais ça peut arriver, avec les petits pois par exemple.
Maître foie-gras, ses produits sont étonnants : foie gras truffé, aromatisé au ratafia haut-marnais, au piment d’Espelette ou encore au cacao amer. Autre terrain de jeu concernant la volaille : « J’adore travailler les suprêmes, là notamment avec la pintade chaponnée, rare, à la chair plus moelleuse. » Le pari a porté ses fruits – et même ses légumes. Thierry Henriot cartonne en évenementiel, chez les particuliers, les entreprises, les collectivités.
« Je tiens surtout à mettre en valeur mon équipe. Quatre vrais professionnels à mes côtés, c’est précieux. On a pour projet de s’agrandir, maintenant qu’on a les reins solides. Un pâtissier et un charcutier, pourquoi pas, et on serait au complet. Sereinement », conclut le chef. La force tranquille on vous dit, une poêle dans la main.
Elise Sylvestre
e.sylvestre@jhm.fr
Restos : si peu de vrais cuisiniers
La France se veut médaille d’or de la gastronomie. Mais seulement 7 000 restos sur 175 000 emploient un vrai cuistot. Et ce n’est pas la promesse du gouvernement d’informer les consommateurs qui va changer la donne… Source Le Canard enchaîné du 10 novembre 2023.
Sur le gril : Le chef passe à la casserole
Préférences, confidences, et vision du bonheur, Thierry Henriot se confie à la mode de Proust.
Votre plat préféré ?
J’adore le poisson cuit à l’unilatérale comme le filet de maquereau avec une émulsion de petits pois.
Le produit que vous adorez travailler ?
Le canard, le foie gras et les poissons.
Votre produit local préféré ?
Le fromage de Langres au lait cru de chez Remillet.
Votre boisson préférée ?
Les bières haut-marnaises comme la Dervoise, la Blaiserives mais aussi les bières belges.
Votre cuisinier préféré ?
Pas un mais deux, je cite Monsieur Paul (Bocuse) et Monsieur Bernard Loiseau.
Votre prochain défi en cuisine (ou ailleurs) ?
Je suis en train de concocter un nouveau défi qui est en fait un beau projet… pour l’instant « chutttt ».
Si vous n’aviez pas été cuisinier ?
J’aurais été un entrepreneur dans un autre domaine certainement car j’ai toujours aimé entreprendre, construire et me fixer des challenges.
Votre passion (en dehors de la cuisine) ?
Le chemin de Saint-Jacques de Compostelle dont il ne me reste que 700 km à faire sur les 1 650… ensuite ce sera un autre chemin, un autre défi.
Pour vous le bonheur c’est quoi ?
Une vie agréable ponctuée par des petits et grands plaisirs. Etre entouré de mon épouse, mes enfants et mes petits-enfants mais aussi de tous ceux qui me sont chers.
Qu’est-ce qui est indispensable à vos yeux ?
La santé et la passion de son métier.
Plutôt sucré ou salé ?
Sucré avec une touche épicée (badiane, cannelle, cardamone…).
Plutôt bourgogne ou bordeaux ?
Bourgogne rouge ou blanc.
Plutôt légumes ou viandes ?
Légumes frais, glacés ou confits.
La recette du chef
L’Osso bucco de dinde à la milanaise
Une recette savoureuse et économique en ces temps d’inflation.
Ingrédients
8 tranches d’osso bucco de dinde
3 tomates
1/2 boîte de coulis de tomate
2 oignons
2 carottes
2 gousses d’ail
1/2 bouquet de persil
3 feuille de laurier
25 cl de vin blanc
1 tasse de farine
1 bouillon cube de volaille
Huile d’olive, sel
Préparation
Hacher finement les oignons et les carottes. Les faire revenir 10 minutes dans une cocotte avec 2 cuillères à soupe d’huile d’olive.
Incorporer l’ail écrasé, puis les tomates coupées en petits morceaux, et les feuilles de laurier. Laisser mijoter quelques minutes. Ajouter le coulis de tomates.
Laisser mijoter à feu doux. Fariner légèrement les tranches d’osso bucco et les dorer à la poêle des deux côtés dans 3 cuillères à soupe d’huile d’olive. Saler, poivrer et incorporer dans la sauce.
Incorporer le vin blanc et le persil. Ajouter le bouillon de cube effrité et 15 cl d’eau.
Laisser mijoter 2 h à couvert et 30 minutes à découvert pour laisser la sauce réduire. Servir bien chaud.
Ce plat peut être servi avec des tagliatelles ou une polenta crémeuse au parmesan.