Jean-Baptiste Natali, le petit gars du cru devenu un fleuron de la Haute-Marne
Le chef étoilé Jean-Baptiste Natali invite la Haute-Marne à la table des meilleures cuisines nationales. Discret, voire taiseux, l’enfant du pays veut mettre sa brigade au premier plan. Rendez-vous à Colombey-les-Deux-Églises.
« Je voulais être cuisinier ». Ce n’est pas plus compliqué que ça, et depuis toujours. Jean-Baptiste Natali aide son père, ses copains aussi. Après, son parcours s’emballe, le gamin « fait des grandes maisons ». Jean-Baptiste au Martinez, Jean-Baptiste à New York, Jean-Baptiste à la Mamounia… et l’enfant du pays rentre à la maison à Colombey-les-Deux-Églises en 2001. Aujourd’hui, il « n’en a pas fait le tour », avis aux colporteurs de rumeurs. Certes, il multiplie les séjours à l’étranger, et, oui, c’est « une échappatoire », mais à la rudesse du métier. « Avant le Covid, au rythme de deux mois par an ». Alors que 2024 se lève, il prépare son départ à Bali, où on attend que le consultant mette sur pied un établissement qui se tient.
Sacrée collection de selfies
La Montagne est le lieu où les « gens qui comptent » convergent – les premiers personnages de l’État notamment, et les « personnalités » en général. Un petit monde de gens « très cools ». Oui, le chef Natali a reçu à sa table Emmanuel Macron et son épouse, « Sarko, tous les ans », François Fillon est toutefois le seul à être resté dormir. Oui, le chef Natali a une sacrée collection de selfies. Non, il n’en fait pas fuiter un seul. Le ton du maestro reste indéfectiblement serein, son débit coule tranquillement, il s’enthousiasme à sa manière, retenue, en évoquant le soutien de Jean Rottner, de Nicolas Lacroix. « La prochaine venue du Tour de France, le passage de la flamme olympique, c’est super ».
« Mon papa est né ici, moi aussi »
Parmi sa clientèle, hétéroclite, il compte de nombreux Européens, avec d’abord des Belges – « les meilleurs clients » – et des Anglais. Pour son ris de veau, « on fait des kilomètres », convient-il, sans forfanterie, c’est comme ça, et puis voilà. Le chef s’applique à couler exclusivement des produits de saison dans sa carte, le travail des légumes et des poissons a sa préférence -brochet, sandre pour les rivières ; et bar, langoustines, poulpes pour la mer. Une fois par semaine, un champagne local est mis en avant. « Mon papa est né ici, moi aussi » : la voilà, l’explication s’il faut tout expliquer. « J’aime bien le Coiffy et le Muid Montsaugeonnais ». Encore une fois, ce n’est pas plus compliqué que ça.
« Les gens sont durs avec les jeunes »
« Les gens sont durs avec les jeunes. Ils ont de moins en moins droit au respect. Ça les dégoûte du métier ». À ses yeux, ce mal-là y est pour beaucoup dans les difficultés de recrutement de la restauration – et surtout gastronomique. Il serait plus ancien qu’on ne veut bien le croire aussi. « On a toujours été critiqués… alors qu’on travaille les week-ends, les jours fériés… ». Et encore un bien sale coup pour la profession le 29 décembre, avec un supposé vilain bizutage dans un palace de Biarritz. « C’est délirant, ça va pas… ». La profession n’en a vraiment pas besoin. Mais les clients supposent-ils qu’elle peut tenir du sacrifice ? « Moi, je suis allé trois fois en vacances avec mes gamins… ». Autour de lui, il faut voir « le nombre de chefs divorcés ! ». Et puis il y a la fameuse étoile Michelin. Beh oui, ça occupe bien la tête, même si « c’est nous qui nous mettons la pression du macaron ».
Il y a un bonheur que Jean-Baptiste Natali savoure : la qualité de sa brigade, très jeune. « C’est de mon équipe, du chef Thomas, dont il faut parler ». Il y a un espoir qu’il nourrit : « que la Haute-Marne grandisse encore pour que les gens viennent ».
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr