Ménager la chèvre sans le chou
Caroline Horn est à la tête de la chèvrerie du Pont Urgin, à Planrupt en terres dervoises. Cette année, 26 chevrettes ont fait don de leur lait pour la confection de fromages, yaourts et autres crèmes dessert, élaborés dans le laboratoire à la ferme, dans les pures règles de l’art.
Originaire d’Alsace, Caroline Horn rêvait depuis enfant d’un ranch avec des chevaux. Elle acquiert avec son mari, en 2017, un corps de ferme à Planrupt et le rénove entièrement. Elle y installe son entreprise de monitoring et tourisme équestre, et ouvre des chambres d’hôtes. Mais le rêve croise ce satané Covid en 2020, qui contraint à la fermeture administrative. Caroline Horn interroge sa logique : « Virus ou pas, il faudra bien manger », conclut-elle. Alors elle croise les yeux de sa biquette, qui semble-t-il lui insuffle l’idée de monter un laboratoire et faire du fromage de chèvre. « L’idée était stimulante, après un bac scientifique et des études de médecine. Le fromage, c’est de la chimie », se souvient l’ancienne excellente élève révélée en fermière des temps modernes. En décembre 2020, la reconversion de Caroline Horn est actée, les chevaux resteront tranquilles au pré, et un troupeau de chèvres sauvé de négligences est intégré à Pont Urgin.
Premiers fromages à l’ancienne
La néo-fromagère monte ses dossiers d’autorisation d’installation, et part en formation à la rigoureuse ferme expérimentale caprine du Pradel, en Ardèche.
« Pas bons, les premiers », confie dans un éclat de rire Caroline Horn. Son laboratoire installé, elle multiplie les essais, et affine petit à petit sa patte, et ses fromages. « C’est une force pour moi aujourd’hui, la technique fermière nous pousse perpétuellement à l’expérimentation. » Aujourd’hui, elle maîtrise avec brio le chèvre cendré, le nature affiné, ou encore le sec. Et c’est bon pour la santé : « Le lait de chèvre contient trois fois moins de matières grasses que le lait de vache, et cinq fois moins que le brebis. Il n’y a aucun ajout extérieur dans mes fromages, j’utilise la technique du repiquage au lacto sérum issu du petit-lait pour la fermentation. Ce qui fait que la fabrication de mes fromages, en circuit clos, ne ressemble à aucune autre », détaille Caroline Horn. La qualité de l’élevage compte beaucoup aussi. A la ferme du Pont Urgin, le ratio espace/bêtes équivaut à 7 m2 par chèvre. Notons que les normes d’élevage caprin recommandent 1,5 m2 par animal (ce qui est excessivement restreint, ndrl), autant dire qu’il y a de la place. Sept hectares d’aire de jeu en bordure de rivière, vaste chèvrerie inondée de soleil et de belle paille, plus besoin d’écorner les chèvres qui n’ont plus aucune excuse pour se blesser. Pas d’engraissement, et les chevrettes destinées à intégrer le troupeau sont nourries au biberon.
Ce n’est pas la “petite maison dans la prairie”
Caroline Horn le précise : « Ça n’a pas été, et ce n’est toujours pas, un long fleuve tranquille. » Difficile d’être éleveur, parce qu’il faut bien ça pour produire du fromage, et le succès de Pont Urgin est florissant. Les ventes sont encourageantes, tant à la boutique de la ferme de Planrupt, que sur les marchés ou pour les restaurateurs. Mais il en a fallu du courage pour monter l’entreprise, et la maintenir à flot : « Ma priorité, ce sont les animaux. Les nourrir correctement (foin, luzerne, et orge achetée chez un producteur local), en prendre soin et ne pas jeter le lait. Les élever de manière naturelle et raisonnée donne également lieu à quelques sacrifices, comme vendre les chevreaux. Mais, élevés sous la mère, et heureux les premiers mois de leur vie, suffit à me consoler », confie Caroline Horn. Le montage des subventions pour les jeunes agriculteurs s’avère très long et complexe, la ferme de Pont Urgin a dû se résoudre à produire avant de toucher le moindre sou. A peine les subventions tombées, il faut rembourser : pas de salaire, beaucoup de charges, mais les produits qui se vendent de mieux en mieux insufflent l’espoir. Les normes sanitaires s’avèrent également très contraignantes : « Les normes de la DDCSPP (Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection de la population) qui regroupe quatre directions départementales dont la Direction départementale des services vétérinaires, même pour du fermier, sont très rigoristes en Haute-Marne. Ce qui implique de plus grosses dépenses, notamment en emballages, conditionnements d’hygiène ou impression de dates limite de consommation. Ce qui n’est par exemple pas nécessairement le cas pour nos voisins de la Meuse ou de l’Aube.
Sur un marché, ce surcoût répercuté sur mes prix fait la différence auprès des consommateurs, alors que je fais preuve d’un maximum de rigueur », admet Caroline Horn. Grosso modo, des normes équitables seraient bienvenues sur le territoire régional, là où elles semblent deux poids deux mesures. L’année prochaine, le troupeau de Pont Urgin sera de 70 têtes, de quoi poursuivre sa belle production. Elle y croit, Caroline Horn. « Le bonheur ne serait pas le bonheur sans une chèvre qui joue du violon », disait Roger Michell.
Elise Sylvestre
La quiche, une valeur sûre : recette
Vite fait, bien fait, la quiche est une valeur sûre. Pour l’alsacienne haut-marnaise d’adoption, voici une recette qui mêle souvenirs d’enfance et produits du terroir.
Prendre une pâte brisée, l’étaler sur un plat à tarte et préparer la garniture, quantités au choix : lardons, dès de jambon, fromage de chèvre affiné, épinards (selon les goûts), emmental. Puis, préparer l’appareil : 50 cl de crème fraîche, 3 œufs, sel, poivre, une cuillère à soupe de farine (pour épaissir l’ensemble). Verser l’appareil sur la garniture, saupoudrer d’emmental ou de chèvre, enfourner et cuire une vingtaine de minutes à environ 200°C.