Sur la route du champagne avec Willy Gouthière

Comme la Croix de Lorraine, il a fêté ses 50 ans en 2022, et son caveau de dégustation est situé rue du Général-de-Gaulle, à Colombey. Mais c’est anecdotique au regard de sa longue généalogie, ancrée depuis le XVII^e siècle au cœur du vignoble de la Côte des Bar. Deux de ses ancêtres, Jacques et Pierre Gouthière, ont côtoyé les rois de France en leur temps. Willy Gouthière leur rendra hommage cette année en créant deux nouvelles cuvées. Rencontre avec un vigneron passionné, autant par son métier que par l’histoire de son territoire.

« On fait de la vigne depuis au moins 1732 autour de Bar-sur-Aube », explique Willy Pierre Gouthière, heureux d’appartenir à cette longue lignée de producteurs de champagne “RM” (récoltant manipulant). Son frère exploite aussi ses vignes dans plusieurs communes de l’appellation champagne. Mais l’histoire des Gouthière remonte à plus loin. Leur arrière arrière-grand-père, né en 1824 à Saulcy, fut le premier vigneron à temps plein du village. Leur arrière-grand-père, né en 1857, était journalier à Engente, près d’Arrentières, un village aubois de la Côte des Bar. Et leur grand-père Pierre figure sur une photo prise à la fête de la vigne de Bar-sur-Aube en 1921 (char de Saulcy).

« En ce temps-là, explique le vigneron, et jusqu’en 1970, la viticulture n’était pas très valorisée. En 1914, seulement 28 millions de bouteilles étaient produites. On est passé à 100 millions en 1970 et à 300 millions dans les années 2000. A Bar-sur-Aube, il y a eu une grande révolte en 1911. C’est à la suite de ces événements et après des années de lutte que la base de l’AOC a été finalisée, en 1927. Le vignoble aubois est revenu dans la délimitation de la Champagne viticole, en conservant son appellation. Mais malgré ça, c’était dur. Dans les années 1950, la vigne en tant que champagne ne rapportait pas grand-chose. Le rendement était faible : entre 1 500 et 2 000 kg maximum, contre 12 000 aujourd’hui. Beaucoup de bouteilles pétaient. Il y a eu la vague de froid de l’hiver 1954, le gel historique de 1956 (récolte détruite à 95 %) et la grêle en 1959. C’est au cours des années 1960 que beaucoup de choses se sont mises en place. Les contrôles sur les droits de plantation se sont généralisés. Les moyens de culture se sont modernisés, les tonneaux ont été remplacés par des cuves. L’invention des capsules de dégorgement a été une grande avancée. Et dans les années 1970 et 1980, beaucoup de groupes d’œnologues ont vu le jour ».

A la cave de champagne Pierre Gouthière et Fils, on utilise essentiellement le Pinot noir, dans les trois dosages que sont les cuvées “brut nature” (pas de sucre ajouté), “brut classique” (10 g de sucre par litre) et “demi-sec” (40 g de sucre par litre) mais le viticulteur compte produire du Chardonnay en 2026. Il complètera aussi sa gamme par du champagne rosé cette année. Mais pour l’heure, il va créer deux nouvelles cuvées, afin de rendre hommage à ses illustres ancêtres.

De notre correspondante Aurélie Chenot