Volley-ball : La légende s’écrit aussi en perdant
Des matches mémorables, les plus anciens des supporters du Chaumont VB 52 Haute-Marne pourraient en raconter d’innombrables. La troisième manche de la finale de Ligue A, dimanche, viendra incontestablement s’ajouter à la liste, même si elle restera à jamais inscrite dans la colonne des défaites.
Voilà le genre d’histoire dont raffole le sport. De celles qui exacerbent les émotions lors de duels décisifs, dessinés par un scénario que les uns vont adorer et les autres exécrer. Des matches qui contribuent à écrire l’histoire d’un club dans le bonheur ou la douleur, que les acteurs et les supporters évoqueront des années plus tard, avec la même ferveur et la même passion.
Le Chaumont VB 52 Haute-Marne en a connu plus d’un depuis son avènement dans le milieu professionnel… Et même avant. Le dénouement de la saison 2020/2021 fera indéniablement partie de ces souvenirs impérissables. Pourtant, une fois encore, les Cévébistes se sont retrouvés du mauvais côté du filet. Pour leur quatrième finale de Ligue A consécutive, et leur septième au niveau national toutes compétitions confondues (championnat, coupe de France et Supercoupe), les hommes de Silvano Prandi ont été, encore et pour la cinquième fois, contraints de regarder leurs adversaires monter sur la plus haute marche du podium.
A cette liste douloureuse, le président haut-marnais, Bruno Soirfeck, n’oublie jamais d’y ajouter la finale européenne de la Challenge cup, la toute première disputée par le club quelques mois avant l’obtention de leur premier titre en 2017, et qui les opposait alors aux Russes de Novyi Urengoy. A l’époque, le CVB 52 avait péché par excès de respect pour un adversaire qui lui semblait jouer sur une autre planète que la sienne : péché de jeunesse et d’inexpérience.
Trois autres ont été perdues face à Tours (championnat 2018 et 2019 et coupe de France 2019). Mais de manière tellement nette au niveau du score que les regrets se sont vite estompés, conscients d’être tout simplement tombés sur plus fort. Celle qui a désigné le champion de France 2021, dimanche soir face à Cannes, troisième manche d’une confrontation épique durant toute cette dernière semaine, conservera, elle, certainement le même goût amer que la finale de coupe de France 2018 perdue face à Tourcoing au “tie-break”. La rejoignant dans les grandes lignes, avec un départ parfait des Chaumontais sur les deux premiers sets, avant que ceux-ci ne cèdent sur les trois suivants : déroutant !
Retournements de situation
Pourtant, la dernière désillusion vécue ce week-end par le CVB 52 sur la Croisette pousse peut-être encore un peu plus loin le paroxysme de la cruauté, tant Raphaël Corre et ses coéquipiers ont été proches de laisser exploser leur joie : deux doigts, un point, une seconde… Et cette deuxième balle de match dans le quatrième set que Filippo Lanza, à “23-24” en contre-attaque, a l’opportunité d’écraser à terre. L’Italien, quasi irréprochable jusque là et bien plus décisif que la veille, est défendu par une équipe de Cannes qui n’aura jamais abdiqué. Chaumont ne le sait pas encore, mais il vient de laisser passer sa chance.
Pourtant, si cette occasion gâchée signe la fin du rêve cévébiste, la rencontre aura connu bien d’autres péripéties, bien d’autres moments-clés qui la feront entrer dans la légende du CVB 52, et par répercussion, dans celle de Cannes également.
Un premier set équilibré remporté au forceps par des Cévébistes un poil plus “propres” que leurs hôtes, avant que l’équilibre des forces ne se rompe brutalement dans la manche suivante, toujours en faveur des visiteurs. Les Azuréens ont pris un coup sur la tête et semblent groggies…
Mais les apparences sont souvent trompeuses. En sport, le mental reste un élément prépondérant, jouant insidieusement et constamment sur le déroulement de la partie. Les Cannois vont profiter de ces montagnes russes émotionnelles pour remonter la pente. La réponse du troisième set est cinglante. Les armes et leurs utilisateurs n’ont pourtant pas changé (ou si peu) depuis le coup d’envoi de part et d’autre du filet. Mais le geste est plus juste d’un côté quand l’impact proposé de l’autre se fait moins présent.
Le quatrième acte va alors contribuer à faire souffler définitivement un vent de folie dans cette finale. Dans ce bras de fer intense, la qualité de service de Daniel McDonnell et la lucidité de Jorge Fernandez sur la contre-attaque semblent offrir un avantage non négligeable aux visiteurs (17-19). Les Cannois s’enfoncent un peu plus, lorsque le passeur Gelinski écope d’un carton rouge pour protestation sur décision arbitrale (19-21 au lieu d’un possible 20-20). Le CVB 52 n’a donc plus qu’un ballon à faire tomber à terre : on sait ce qu’il adviendra.
Le retour de bâton est terrible pour les Chaumontais. Adrian Aciobanitei se charge alors d’asséner les derniers coups au service dans le “tie-break”. Les Cévébistes sont KO et Cannes va cueillir un dixième titre de champion de France (un record) qui était pourtant loin de lui tendre les bras. Le CVB, lui, patientera encore pour décrocher son deuxième.
Laurent Génin
l.genin@jhm.fr