“Visions”, ça partait pourtant si bien…
Deux ans après “Boîte noire”, l’histoire d’amour du réalisateur Yann Gozlan pour les thrillers psychologiques se poursuit avec “Visions”. Un film rudement efficace, dans le plus pur respect des codes du genre, qui pèche cependant dans sa volonté d’époustoufler.
On vous prévient, pour apprécier ce film, il faut rester concentré du début à la fin. “Visions” joue avec notre cerveau, presque aussi habilement qu’il joue avec Diane Kruger, héroïne hagarde et sensuellement désabusée. Prenant soin de ne jamais répondre entièrement aux questions qu’il nous fait nous poser, le long-métrage, pas désagréable, pâtit d’un trop cruel manque de vraisemblance pour réellement toucher juste.
Yann Gozlan, le réalisateur, s’en donne à cœur joie. Alternant des plans quasi-géométriques, desquels rien ne déborde, avec d’autres plus foutraques, haletants, quand l’action prend le pas sur la psychologie. Le jeu d’ombres et de couleurs est ravissant, les transitions aussi psychédéliques – si vous êtes phobiques des méduses, fuyez – que léchées. Pas la peine d’avoir un œil expert pour se rendre compte du soin apporté à la réalisation. Et au montage, tantôt strict, tantôt clipesque.
Casting de haut vol
Estelle (Diane Kruger), pilote de ligne, mène une vie réglée comme du papier à musique avec son époux Guillaume (Mathieu Kassovitz), dans leur villa de la Côte d’Azur. En dehors d’un sommeil capricieux, émaillé de cauchemars dérangeants, tout va pour le mieux. Jusqu’à ce qu’Ana (Marta Nieto), photographe avec laquelle l’héroïne a eu une relation il y a plusieurs années, refasse irruption dans sa vie. Dès lors, le paisible quotidien des protagonistes va se dérégler, devenant une succession d’aventures névrosées, dont on ne sait jamais si elles confinent au rêve ou au réel.
Difficile de trouver quelque chose à redire sur le casting de « Visions ». Diane Kruger, control freak autant qu’ingénue, porte le film par sa performance heurtée. Elle se laisse aller à la folie – du moins pense-t-on – durant plus de 2 h, laissant peu à peu sa vie lui échapper. Elle n’est bridée que par l’outrecuidance du récit, ne lui permettant pas de pleinement s’exprimer. Mathieu Kassovitz, jamais complètement lisse, fait planer la crainte autant qu’il rassure, dans un rôle qu’il maîtrise à la perfection. Marta Nieto est nimbée de mystère (trop ?), et joue en légèreté un rôle qu’on sait grave. Moins en vue que Diane Kruger, l’actrice espagnole est sans doute celle qui dispose des meilleurs faits d’armes face caméra.
« Visions », à ça…
Mais voilà, à trop vouloir forcer le rebondissement, l’inattendu éminemment poétique, le jeu de dupe magnifique, Yann Gozlan ôte à « son œuvre « Visions » ce qui en ferait normalement une franche réussite : la cohérence. Le dernier tiers du long-métrage ne cherche qu’à nous souffler, au mépris de toute logique. Le réalisateur, dans son pré carré, fait suinter son long-métrage de références aux maîtres du thriller, de Sydney Pollack à Henri-Georges Clouzot, en passant forcément par Alfred Hitchcock. En oubliant, à la fin des fins, de lui insuffler une quelconque cohérence. C’est bête. On n’était pas loin du chef-d’œuvre.
Dorian Lacour
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