Violence aveugle – L’édito de Patrice Chabanet
Douce France… Plutôt dans les chansons que dans certains quartiers. A Garges-lès-Gonesse, un mineur a été lynché par une dizaine de jeunes. A Angoulême, une trentaine d’individus sont partis à l’assaut d’un autobus pour en découdre avec certains passagers. La violence urbaine n’est pas nouvelle. Elle traverse allègrement les décennies. Mais le phénomène évolue, et pas dans le bon sens. Les agresseurs sont de plus en plus jeunes et ne se fixent aucune limite dans les bagarres qu’ils provoquent en bande. L’actuel gouvernement, comme ses prédécesseurs, nous promet de réagir avec vigueur. Nom de code : reconquête républicaine. Il s’agira de reprendre du territoire dans une trentaine de quartiers où l’autorité de l’Etat a disparu de facto. On aimerait que cette énième opération réussisse, mais il en faudra bien plus pour faire face à des situations enkystées qui mêlent la drogue, le désœuvrement, l’emprise de l’intégrisme religieux et le fatalisme des habitants des quartiers dits difficiles.
La colère de Martine Aubry, qui ne passe pas pour une femme de droite, est significative. Elle vient d’exiger des « sanctions lourdes » après la déferlante de rodéos urbains à Lille. La dégradation du vivre-ensemble n’est pas seulement imputable aux agressions à main armée, mais aussi aux incivilités qui pourrissent la vie de la population et qui alimentent le vote extrémiste. La première réponse passe par une répression accrue. Les « sauvageons », comme les appelait Jean-Pierre Chevènement ne peuvent comprendre que ce discours, que cela heurte ou non les bonnes consciences. Quant au traitement de fond, il prendra des décennies. On paye aujourd’hui l’urbanisme délirant des années 60 et 70 et les frustrations de jeunes qui considèrent souvent la police comme une bande rivale. Comment détricoter les mailles de cette contre-société ? Mises à part des solutions palliatives, on ne voit rien à l’horizon.