Vaine tentative – L’édito de Patrice Chabanet
Les sportifs appellent cela la remontada, c’est-à-dire la faculté de remonter le terrain perdu. Le gouvernement vient de s’y essayer en proposant la suspension de la hausse de la taxe carbone et des tarifs du gaz et de l’électricité. C’est presque peine perdue. Le peloton des revendications posées par les gilets jaunes a pris trop d’avance sur les propositions d’Edouard Philippe. Si ces dernières avaient été faites il y a deux ou trois semaines, la remontada de l’exécutif aurait eu quelques chances de réussir. En fait, tout va se jouer samedi. Soit les manifs se passent sans trop de casse, et le gouvernement peut espérer trouver enfin le fil du dialogue avec des interlocuteurs pérennes et non pas désavoués systématiquement par la base. Soit on assiste de nouveau à un déferlement de violences, et la crise entre définitivement sur le champ politique. La France, sixième puissance économique du monde, ne peut plus se permettre des rendez-vous insurrectionnels hebdomadaires. Dès lors, il ne s’agira plus de régler les seules questions de taxes sur les carburants ou de pouvoir d’achat.
Ce qui était impensable il y a encore trois semaines devient alors plausible : la dissolution de l’Assemblée. Les extrêmes en rêvent pour prendre leur revanche de 2017. Les partis de gouvernement sont beaucoup plus circonspects : les Français les ont durement châtiés à la présidentielle et aux législatives. D’ailleurs, tous les sondages, s’ils enregistrent l’implacable descente aux enfers d’Emmanuel Macron, ne donnent pas cher de la popularité et de la crédibilité des dirigeants des oppositions. Et toute ressemblance avec Mai-68 a ses limites : il y a cinquante ans la vie politique était régie par le bipartisme. Aujourd’hui, le gâteau électoral est fracturé au moins en quatre morceaux. Autrement dit, il se pourrait qu’un scrutin législatif ne dégage aucune majorité. La grande secousse de décembre 2018 pourrait alors être interprétée comme un sérieux coup de sape pour les fondations de la Ve République dont la principale vertu est d’assurer la stabilité du pays.