Une voix de légende – L’édito de Patrice Chabanet
Aretha Franklin est l’exemple même de ces monstres sacrés que seule l’Amérique sait faire émerger. Sa vie – mère à 13 ans – et sa carrière – du gospel au soul – ont tissé sa légende qu’elle a entretenue et enrichie pratiquement jusqu’à son dernier souffle. Elle a tenu son dernier concert à New York il y a moins d’un an. Ce n’est pas un hasard si la chanteuse a remporté 18 Grammy Awards. Son interprétation de Respect est devenue emblématique. Une référence. Aretha Franklin n’était pas seulement une voix qui traverse le temps sans perdre sa fraîcheur, hors d’âge. Elle a mis son talent au service de causes qui lui ont toujours tenu à cœur : : l’égalité des races et l’égalité des sexes. Dans une Amérique toujours rongée par le racisme, elle a porté haut l’étendard de la communauté noire. En 1968, elle a chanté lors des obsèques de Martin Luther King.
Hors des pays anglophones, cette dimension culturelle et politique – au sens noble du terme – a souvent échappé à ses admirateurs entraînés par le rythme de ses musiques et le timbre incomparable de sa voix. Aux Etats-Unis, c’est à la fois l’immense artiste et la femme de conviction qui sont saluées. Son décès, attendu en raison du mal qui l’a finalement emportée, a provoqué un choc immense. Les hommages se sont multipliés. « Aretha a participé à définir le ressenti américain » a déclaré l’ancien président Barack Obama. A l’évidence, Aretha Franklin n’était pas une artiste de variété. Elle était une incarnation dans une Amérique qui mêle le meilleur et le pire. Elle a prouvé que, servie par un texte engagé et une voix forte dans tous les sens du mot, une chanson pouvait s’échapper de la case art mineur pour entrer dans une forme de patrimoine de l’humanité. Aretha Franklin n’est pas tout à fait partie. L’écouter créera toujours une émotion.