Une plaie encore ouverte – L’édito de Patrice Chabanet
La France ne s’est toujours pas remise de l’attaque contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. Ce jour-là, notre pays a subi plus qu’un acte barbare, il a assisté, sidéré, à l’expression d’une volonté destructrice de grande ampleur. Derrière le massacre d’une rédaction, commis par deux fanatiques, il y avait en effet la détermination hystérique à ébranler notre système de valeurs : liberté de penser, de s’exprimer et de critiquer, liberté de croire ou ne pas croire. En exécutant Charb et ses camarades, les auteurs de la tuerie voulaient aussi tuer, entre autres, Montaigne, Voltaire ou Camus. Le « Je suis Charlie » a constitué une levée en masse des démocrates. Une démonstration de force nécessaire qui, faut-il toutefois le reconnaître, n’a pas dû ébranler les certitudes moyenâgeuses des islamistes ici et ailleurs.
Trois ans après, le sang des victimes a séché, mais un méchant poison continue à se répandre. Il y a ceux qui doutent de la version officielle, les éternels complotistes qu’on a déjà vus à l’œuvre après les attentats du 11-septembre. Il y a ceux qui disent, sans vraiment le dire, que le journal satirique avait été sans doute trop loin dans ses caricatures. Une façon plus hypocrite qu’élégante d’affirmer que l’hebdomadaire l’avait bien cherché. Une manière d’assimiler toute critique d’une religion à sa stigmatisation. C’est par ces petits renoncements larvés que la laïcité – fondement de notre pacte républicain – est minée, comme l’est aussi notre façon de faire de l’humour. D’où cette question qui revient régulièrement : un Coluche ou un Desproges auraient-ils aujourd’hui autant de latitude qu’ils l’avaient de leur vivant ? On peut craindre que non. Le terrorisme et ses commanditaires du Proche-Orient semblent contenus d’un point de vue militaire. Ce n’est pas le retour des djihadistes qu’il faut craindre le plus, mais la prétention des islamistes à imposer leurs idées au-dessus des lois de la République.