Une paix fragile – L’édito de Christophe Bonnefoy
Qui aurait pu penser, à la signature de l’Armistice en 1918, qu’on en serait, aujourd’hui encore, à alerter sur les mêmes fragilités qui peuvent mener aux pires conflits ? Qui d’ailleurs aurait pu imaginer il y a tout juste un siècle, que 20 ans après, la planète connaîtrait à nouveau le feu et le sang ?
Hier, sous l’Arc de Triomphe, les lettres de combattants ou de leurs familles, lues en français, en anglais, en allemand ou en mandarin par des lycéens, avaient quelque chose de poignant. Emmanuel Macron, lui, a ajouté la pédagogie à l’émotion. Il faudra retenir de son discours, bien sûr, l’hommage à tous ceux qui vécurent l’horreur des tranchées et y laissèrent la vie. Mais aussi ce qui sonne comme un sévère avertissement aux grands dirigeants de ce monde. En substance : le patriotisme est une vertu, le nationalisme un danger : « Additionnons nos espoirs au lieu d’opposer nos peurs ». Propos d’ailleurs relayés, toujours en ce 11 novembre, par le chef de l’ONU à l’ouverture du Forum sur la paix : « Bien des éléments (…) semblent emprunter et au début du XXe siècle, et aux années 30, laissant craindre un engrenage invisible ». Glaçant.
Ces cérémonies ne doivent pas être qu’un rappel régulier des noms de ceux qui se sont sacrifiés pour leur pays. En plus d’entretenir le souvenir, elles doivent également permettre de rester concentré, en permanence, sur un combat nécessaire : celui de la paix. La Grande Guerre, terrible conflit dont notre pays porte encore les cicatrices, visibles sur les champs de bataille, a fait 18 millions de morts. Le conflit mondial de 1939-1945, plus de 60 millions. La preuve de ce que peut engendrer la folie des Hommes. Et que céder à la tentation d’oublier pourrait s’avérer, à nouveau, criminel.