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Une journée avec… Cyrille Jeanson, pisciculteur

On démarre avec le transfert des saumons de fontaine.

Le grand rush des livraisons de poissons a débuté. Nous avons suivi les derniers pisciculteurs du département une journée durant entre les préparatifs sur le site de Marmesse, près de Châteauvillain, et la livraison du côté de Nogent.

C’est la règle durant la dizaine de jours qui précède l’ouverture de la pêche à la truite. Le réveil a sonné tôt à la Pisciculture de la Belle Fontaine. Un peu plus tôt que d’ordinaire pour Cyrille Jeanson qui doit se mettre dans le rythme de la journée de travail en douceur. Le genou douloureux nécessite un minimum de précautions avant d’entrer dans le vif du sujet.

Le jour n’a pas encore pointé quand le maître des lieux enfile ses waders (long pantalon de pêche étanche, Ndlr) et prend la direction des bassins qui abritent le cheptel piscicole. Ici, c’est le royaume du saumon de fontaine et des truites fario et arc-en-ciel.

Une grosse truite qui prendra la direction d’un parcours de pêche à la mouche.

Un premier véhicule à charger pour livrer à 2 h 30 de route. « Autun, c’est le plus loin où en va », souligne-t-il. La ville y gère un plan d’eau que les pisciculteurs de Marmesse vont empoissonner régulièrement. A 7 h du matin, Catherine, l’épouse de Cyrille, mobilisée elle aussi, s’installe au volant du véhicule et met le cap sur la sous-préfecture de Saône-et-Loire.

Sous oxygène

La journée ne fait que commencer. Une seconde livraison doit être préparée pour les pêcheurs de la Gaule nogentaise. « On va commencer par les saumons de fontaine ». Après avoir désinfecté les bottes du plumitif de service astreint à chronique halieutique, Cyrille donne les premières consignes. « Surtout ne pas s’approcher trop près du bassin. Les poissons auraient vite fait de filer à l’autre bout ». De précieuses minutes seraient alors perdues et des efforts supplémentaires seraient nécessaires pour regrouper les poissons à proximité de la zone la plus proche du camion de livraison. Le pisciculteur entre dans l’eau et pousse un filet sur plusieurs mètres. Les poissons, bien vivants, sont presque aussi serrés que dans une boite de sardines. Le transvasement peut démarrer. Les responsables de l’AAPPMA de Nogent ont commandé 80 kg de saumons et 180 kg de truites arc-en-ciel.

Le premier bac est plein. On passe au suivant.

Les poissons sont prélevés à l’aide d’une épuisette et chargés dans un grand seau placé sur une brouette électrifiée qui file en direction de l’élévateur. Les 20 premiers kilos de poissons jouent les filles de l’air, guidés par un système de vis sans fin jusqu’au premier bac installé sur le plateau du véhicule flambant neuf qui effectuera sa toute première livraison ce jour-là. « Je devrais le garder jusqu’à la retraite », s’amuse Cyrille qui a mis en route le système d’oxygénation de l’eau des bacs permettant aux poissons de voyager sans encombre. Les saumons et autres truites auront été mis à la diète deux jours avant leur départ pour éviter les déjections qui occasionneraient un trop fort taux d’azote dans les bacs de transport.

La juste taille

Encore trois allers-retours et on passe au chargement des truites arc-en-ciel (AEC). Le bassin est beaucoup plus vaste car la truite AEC est un peu la reine de l’ouverture en 1ère catégorie piscicole. C’est celle qui est désormais la plus produite sur l’exploitation, notamment en raison des dispositions arrêtées par la Fédération de pêche. Elle accorde depuis plusieurs années une aide substantielle aux AAPPMA qui empoissonnent avec cette variété de truite. « Il y a toujours les inconditionnels de la truite fario. D’ailleurs, on a des demandes de plus en plus nombreuses et qui viennent de très loin. Notre outil de production ne nous permet pas d’y répondre », regrette le pisciculteur qui a du adapter le fonctionnement de l’exploitation (lire en encadré).

La solide épuisette reprend du service dans les mains expertes de Cyrille qui examine scrupuleusement le contenu du filet. « Même si la taille de capture est fixée à 25 cm, je vérifie car les pêcheurs veulent surtout des poissons calibrés à 30 cm », précise-t-il. Et, comme pour les humains, les truites n’ont pas toutes le même pouvoir de « grossissement ».

Le pisciculteur vérifie méthodiquement la taille des truites arc-en-ciel.

Dans le même temps, le pisciculteur commence à anticiper sur les prochaines livraisons. « Là, je mets un peu de saumons de fontaine de côté pour demain. Ici, il y a de grosses truites arc-en-ciel destinées à un parcours de pêche à la mouche ». Les mémères prendront la direction de Saumur-en-Auxois le lendemain.

Cap sur Nogent

Le déjeuner avalé en vitesse, les truites qui s’ébattent dans les premiers bassins de grossissement sont nourries à la volée, à leur tour. Le camion quitte ensuite la pisciculture en direction de Poulangy où attendent une douzaine de pêcheurs de la Gaule Nogentaise. Cyrille prend les consignes et déverse quelques kilos de saumons et de truites dans une première bassine qui prend la direction de la rivière toute proche. La Traire est particulièrement basse pour la saison et les pêcheurs doivent se montrer prudents avant de pouvoir libérer la précieuse cargaison. L’opération sera renouvelée en différents points du parcours jusqu’à la sortie d’Odival.

Les poissons sont à nouveau pesés selon les indications de Régis Remongin qui dirige la manoeuvre pour les pêcheurs de la Gaule Nogentaise.

Deux heures plus tard, trempé des pieds à la taille, Cyrille vide les bacs de transport de leur eau résiduelle et prend le chemin du retour. Catherine est rentrée d’Autun. Un café pris sur le pouce et le pisciculteur, après avoir désinfecté le plateau et les bacs de son véhicule, s’en retourne à ses bassins pour préparer la livraison du lendemain, mettre le matériel à l’abri des possibles gelées matinales. C’est toujours un peu de temps de gagné.

A.S.

Les derniers des Mohicans

Le couple de pisciculteurs de Marmesse fait aujourd’hui figure d’exception dans cette branche d’activité car il gère la totalité du cycle de reproduction du poisson. C’est de plus en plus rare. Les pisciculteurs se contentant souvent de faire grossir le poisson qui finira en filet de truite fumée, sous vide, dans les rayons des supermarchés. Ici, on est dans une toute autre démarche. Les géniteurs produisent les alevins (entre 150 000 et 200 000) qui grossiront dans l’écloserie de décembre à février. Sur l’exploitation, entre les truites arc-en-ciel (deux tiers du cheptel) et les farios et autres saumons de fontaine, c’est environ 100 000 poissons qui sont produits chaque année.

Pas de hausse de la TVA

La TVA appliquée aux poissons de pisciculture restera finalement à 5,5 %. Le gouvernement envisageait de la passer à 20 %. Il a finalement fait machine arrière après l’intervention de quelques parlementaires et de représentants de la filière aquacole qui ont défendu le fait que les poissons d’élevage étaient destinés à la consommation et non à une activité de loisir.

Une bonne nouvelle pour la corporation qui a déjà dû répercuter la hausse du coût des matières premières dans le prix de vente du poisson. « Les aliments pour le poisson ont pris entre 20 et 25 % cette année. Ils avaient déjà augmenté d’autant l’an dernier. L’oxygène a pris 40 %. Pour l’électricité, c’est de l’ordre de 25 %. Sans parler du carburant, des assurances. On a une hausse global qu’on peut chiffrer entre 10 et 15 % sur les matières premières », constate Cyrille Jeanson. Les pêcheurs comprennent très bien que la hausse du coût des matières premières soit répercutée sur le prix de vente du poisson, assure le président régional de la Fédération Nationale d’Aquaculture. Par contre, « une hausse de la TVA, n’aurait pas été digeste ».

L’après Covid

Le Covid a eu un gros impact sur l’activité de la pisciculture notamment durant les périodes de confinement. Les commandes de poisson ont chuté fortement et il a fallu gérer l’activité au plus près. « Une truite arc-en-ciel portion, c’est 15 mois de grossissement. Une truite fario, c’est 20 à 25 mois ! On ne peut pas gérer ça comme pour un poulet qui sera commercialisé au bout de 90 jours », assure Cyrille Jeanson. Le pisciculteur a été dans l’obligation de ralentir la croissance des poissons en les nourrissant moins régulièrement. Il a fallu gagner de la place aussi. Les bassins jusque-là destinés à la pêche de loisir sont désormais dévolus à l’exploitation. Et puis les pêcheurs souhaitent des poissons de plus en plus gros, notamment les gestionnaires de plans d’eau destinés à la pêche à la mouche. Du coup, ils restent plus longtemps dans les enclos piscicoles.

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