« Une image lamentable » : bisbilles à la barre à Saint-Thiébault
« Nous avons donné une image lamentable ». Tels furent les mots d’une première adjointe accusée de diffamation par madame le maire de Saint-Thiébault. Epilogue, mardi 4 juillet, à la barre du tribunal correctionnel.
Victimes, comme d’autres, de comportements témoignant d’une réelle défiance à l’égard des autorités, les élus entendent profiter du respect qui leur est dû. Cette volonté légitime est ternie lorsque ces mêmes élus adoptent des comportements pour le moins particuliers, lorsque le combat politique prend des allures de triste pièce de boulevard.
Le dossier a monopolisé l’attention d’un juge d’instruction, les enquêteurs ont multiplié investigations et auditions et, mardi 4 juin, quatre magistrats et une greffière auront, deux heures durant, été mobilisés afin d’apporter une réponse à un conflit d’une confondante nature. « La véritable question tendrait à savoir si ce type de dossier doit arriver devant un tribunal », en vint à souligner le procureur Cecoltan.
Plantons le décor. Direction Saint-Thiébault, agréable et paisible commune de moins de 250 habitants. En mai 2020, dans un contexte de pandémie, plus de 65 % des citoyens du village se rendent aux urnes, les candidats sont plébiscités, Marion Lerat obtient 86,66 % des suffrages exprimés, Dominique Guerbert, 80,74 %. Les deux élues font alors cause commune. Marion Lerat sera élue maire. L’union sacrée volera rapidement en éclats.
Clan contre clan
Le 22 octobre 2021, à l’occasion d’un conseil municipal, le ton monte entre Marion Lerat et Dominique Guerbert, première adjointe déléguée à la Communication et au Budget. L’attribution d’heures « complémentaires » d’un employé municipal est au cœur de la discorde. Marion Lerat aurait alors été traitée de « magouilleuse » par sa première adjointe. Une accusation imaginaire aux yeux de Dominique Guerbert, cette retraitée du Trésor Public, investie dans le milieu associatif, reconnaissant un simple trait d’humour, affirmation confortée par deux élus. D’autres vont plutôt dans le sens de madame le maire, l’un d’eux affirme avoir entendu « Arrête de magouiller ». Un habitant du village présent à l’occasion de ce conseil municpal houleux a également été entendu. A-t-il tout simplement bien entendu ? Ce témoin serait dur d’oreille. Le juge d’instruction n’aura pas été jusqu’à solliciter le concours d’un expert en otorhinolaryngologie.
Sémantique
Les mots ont-ils été lancés de façon interrogative, humoristique ou s’agit-il de propos diffamants ? « J’ai été accusée, il ne s’agissait pas d’une plaisanterie. (…) Madame Guerbert me parlait comme si j’étais une enfant, là, ça a dérapé. (…) Depuis, nous avons des relations polies, mais c’est compliqué », souligna Marion Lerat, représentée par un avocat du Barreau de Montpellier dénonçant des propos « inadmissibles ».
Me Boesch appela à la « relaxe pure et simple » d’une prévenue absente à la barre pour raison médicale. « “Magouilleuse”, ce mot n’a tout simplement jamais été prononcé par madame, madame Guerbert a posé une simple question, une question non diffamante ». Après avoir donné connaissance de plusieurs décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’avocate fit état d’épisodes donnant une bien mauvaise image de représentants de la classe politique. Un député de la France Insoumise accusant le ministre du Travail d’être un « imposteur » et un « assassin », un député RN traitant le ministre de l’Economie de « lâche », un Garde des sceaux adressant un bras d’honneur à une partie de l’hémicycle et puis, surréaliste, un courrier adressé par Brigitte Bardot à Emmanuel Macron en avril 2023, une lettre ouverte présentant le président de la République comme un « être maléfique » prenant un « plaisir sadique » à faire souffrir le peuple. Question de la défense. « Des poursuites pénales ont-elles été engagées ? »
Quelques minutes plus tôt, le procureur Cecoltan, affligé, s’en était remis à la sagesse du tribunal. Dominique Guerbert fut relaxée.
T. Bo.