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Une histoire de la coutellerie nogentaise (IV)

Une roue à chien à Millières, dans un vieil atelier.

L’érudit et passionné Philippe Savouret nous dépeint l’histoire de la coutellerie qui a fait la réputation et la fierté du bassin Nogentais. Aujourd’hui,dernier volet sur la coutellerie nogentaise aux XXe et XXIe siècles.

Artisanalement ou industriellement, Nogent a un savoir-faire qu’il n’a jamais réussi à faire savoir !  L’individualisme exacerbé en est la cause.

La guerre de 1914-1918 a vu comme dans de nombreuses activités, les femmes très nombreuses dans les entreprises, beaucoup d’ouvriers mobilisés et la chirurgie et l’armement ont prospéré. Après le conflit d’importantes commandes vinrent de l’Amérique du sud et du Canada. L’électrification apparaît en 1921. Crise des années 1926-1932. Les années noires.

 En 1936, amélioration par les lois sociales, accord collectifs.

1939-1945, la guerre laisse des traces : pénurie de matières premières et de fournitures ; ouvriers requis par le STO. A partir de 1946 s’ouvre une période d’expansion qui connaîtra des hauts et des bas en fonction des aléas de la conjoncture nationale et mondiale.

Les entreprises installées au XIXe siècle ont poursuivi leur activité : Courcelles, Thuillier, Vitry, Collin ; d’autres se sont créées : Forges de la Ville, Oury, Dussaussay… Le problème est la baisse continue des artisans. On arrive à 2000 emplois toutes activités réunies à la fin du siècle. Disparition de grosses entreprises comme Les Ets Louis Minel qui a compté jusqu’à 500 ouvriers ; Dussaussay-Gallier.

Les techniques ont évolué vers une mécanisation de plus en plus poussée, avec l’emploi de l’énergie électrique. Des ateliers modernes se sont édifiés dans les zones industrielles naissantes : (Nogent, Biesles, Sarrey). Mais le processus de concentration ne s’est pas manifesté de façon aussi spectaculaire que dans la plupart des autres industries et 4 entreprises ont un effectif supérieur à 100 ouvriers. Le bassin nogentais est toujours celui des PME et des artisans.

La richesse aussi est l’adaptation dans des petites séries comme en chirurgie et dans la coutellerie de luxe grâce à un savoir faire illustré par le nombre des Meilleurs Ouvriers de France.

Créé en 1924, ce concours a vu nombre de participants dans le bassin. 31 en coutellerie, 17 en instruments de chirurgie. Citons Louis André fondateur de Nogent ***, MOF dès 1924, de même Louis-Eloi Pernet qui emmena son entreprise dans le haut de gamme de luxe pour les grandes maisons parisiennes. On peut citer les frères Garnier, les Margaux-Drouhin (4 générations de MOF). Ou encore Fabrice Liiri qui après une carrière dans les instruments de chirurgie s’est passionné pour les ciseaux (MOF en 2007) que j’appelle le « Pelletier du 21e siècle ».

Dans les années 1980, Nogent  a traversé plusieurs crises notamment en chirurgie avec les Pays asiatiques.

Problèmes récurrents de concurrence interne ; au lieu de s’associer pour gagner des marchés. On ne transmet pas son savoir faire, pas de label défendu (en 1953 le préfet Pisani préconisait l’urgence de ce point). Pas de promotion. Ce sont les maux du bassin coutelier

 De nombreux produits disparaissent, par l’usage et les modes notamment les couteaux de poche, il résulte une diminution du nombre d’ouvriers  même s’il demeure encore quelques artisans. La coutellerie proprement dite : couteaux, ciseaux qui a fait la spécificité du bassin nogentais  a tendance à disparaître.

Mais vers la fin du 20e, l’activité industrielle du bassin  Nogentais reprend un second souffle ; l’innovation prend le pas sur la tradition. De nouvelles forces techniques et commerciales liées principalement à la forge, à l’outillage, à l’instrumentation médico-chirurgicale et au travail des métaux alliés les plus rares, s’affirment  avec des ambitions européennes. Cette transformation s’installe dans les zones artisanales et industrielles. Des compétences nouvelles (dont des entrepreneurs locaux issus de la coutellerie de base (Landanger, Marle, Gillet) inventent ici d’autres formes d’objets et recréent une notoriété basée sur l’innovation, la compétence et  la maîtrise des matériaux ; prothèses par exemple. Communication directe avec les utilisateurs.

Main d’œuvre de grande qualité, plusieurs Meilleurs Ouvriers de France qui ont toujours leur place à côté des robots.

On a créé une formation annexée au collège dans les années 1980, hélas trop vite abandonnée. CAP et BEP  « Outils coupants et instrumentation de chirurgie » également  une formation continue. Plusieurs obtinrent le concours des Meilleurs  Apprentis de France.

En 1984 c’est l’année Diderot, le Ministère de la Culture lance un grand projet encyclopédique : réunir dans chaque région les savoir faire existant au 18e siècle  et toujours en activité au 20e. Nogent était tout indiqué pour participer à cet élan avec la coutellerie et les instruments de chirurgie. Nogent se mobilise : industriels, collège, passionnés du patrimoine, pour préparer une expo dont la finalité est une expo encyclopédique pour l’ouverture de la Cité des Sciences et de l’Industrie à la Villette en 1986. Ce fut une période intense et motivante.

Pour se faire, une association a été créée l’Association pour la sauvegarde et la promotion de la culture scientifique et technique du bassin nogentais – Encyclopédie vivante. Qui sera à l’origine du musée.

Parallèlement, une antenne du Centre Régional d’Innovation et de Transfert de Technologie (CRITT) de Charleville a été créée en 1988. Dans les locaux de l’ancienne maison de coutellerie Georget du 19e siècle sur la place de l’Hôtel de Ville.

En 1986, création du Syndicat mixte du bassin d’emploi de Nogent (SYMBEN).

Et puis, enfin, on projette la création d’un musée de la Coutellerie mais plus que ça. Cyril Dumontet sera embauché pour mettre en œuvre ce projet.

On va transformer le bâtiment où est déjà logé le CRITT pour créer un centre de culture technique et industrielle du bassin nogentais dont la partie muséographique. Le tout réuni dans ce qu’on va appeler l’Espace Pelletier du nom du célèbre et emblématique ciselier. Celui-ci sera inauguré le 22 mars 1991 par Hubert Curien ministre de la Recherche et de la Technologie.

Dans cette période,  participation de plus en plus aux salons et foires à la rencontre des clients.

XXIe siècle, un grand changement pour le bassin

De grands projets vont révolutionner ce bassin industriel au XXIe siècle. L’agrandissement, la modernisation, la recherche, l’implantation d’entreprises de pointe dans leur domaine vont mettre en lumière un bassin historique de la métallurgie depuis le XVIIe siècle qui a évolué favorablement en ce début de XXIe siècle.

Le pôle technologique Sud Champagne

Né en 2009 de la volonté du Conseil Départemental, le Pôle technologique Sud Champagne situé sur la ZI de Nogent est à la fois un outil d’aménagement du territoire, mis au service des entreprises, et un atout technologique pour l’ensemble de la Haute-Marne. Pour une fois que toutes les collectivités et la CCI se sont unis pour créer ce pôle, saluons cette réussite.  Animé par Jean-Loïc Carré puis Christophe Juppin.

Il est composé de plusieurs entités :

Le CRITT-MDTS qui était très à l’étroit dans l’espace Pelletier a été le premier à s’installer au pôle. Il apporte une assistance technique et scientifique aux industriels et participant à des programmes de recherche.

L’antenne de l’UTT de Troyes. Cette université à la campagne accueille deux formations par alternance : une licence professionnelle Conception et Processus de Mise en forme des Matériaux bac + 3 et un diplôme d’ingénieur en Matériaux et Mécanique bac + 5.

Centre de recherche avec un laboratoire de recherche correspondant avec le CEA. Déjà 9 docteurs sont sortis de cette Université au vert.

Le 25 novembre 2021 : L’UTT a fêté le dixième anniversaire de son antenne nogentaise et le diplôme du 200e ingénieur MM formé par apprentissage.

Jamais je n’aurai imaginé qu’un jour on aurait une université à Nogent. De plus les étudiants vivent dans de bonnes conditions matérielles et estudiantines grâce à Frédéric et Sandrine Sanchette.

Une pépinière d’entreprises déjà complète

Enfin depuis trois siècles qu’un mal rongeait le Nogentais, l’absence d’union des professionnels va s’achever avec la création de Nogentech.

Lors de sa création, l’association regroupait essentiellement des entreprises installées à Nogent et dans les communes environnantes.

 Ces entreprises, pour la plupart issues de la tradition coutelière du bassin nogentais, ont su, au fil du temps, réorienter leurs activités dans des domaines variés tels que l’outillage automobile, les pièces pour l’automobile et l’aéronautique, le machinisme agricole et les dispositifs médicaux (instruments de chirurgie et prothèses) : « l’addition des compétences ».

Les industriels locaux, décident donc d’associer leurs forces pour proposer des actions mutualisées visant à accroître l’efficacité, la compétitivité et le développement du tissu industriel nogentais et haut-marnais. Trois commissions sont alors créées : la commission Environnement, la commission Communication et la commission Industrie & Formation, présidée actuellement par l’emblématique Delphine Descorne-Jeanny.

Les métiers de base de ce bassin (coutellerie, cisellerie) hélas sont en disparition même s’il reste d’excellents artisans.

 A côté, des entreprises spécifiques et pointues dans leur domaine ont fait leur apparition. Ce qui illustre la devise NON NOVA SED NOVE (La manière est nouvelle, mais non la matière).

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