Une histoire de fous – L’édito de Patrice Chabanet
Marine Le Pen est donc sommée par la justice de subir une expertise psychiatrique, ce qu’elle refuse de faire. Cette demande a été formulée à l’encontre de la présidente du Front national (aujourd’hui Rassemblement national) pour la publication sur son site d’images de décapitations pratiquées par Daech. On n’entrera pas dans le dédale des procédures judiciaires qui motivent cette expertise. Les juristes en feront leur miel. Il n’est pas question non plus de remettre en question la séparation des pouvoirs entre justice et exécutif. Mais il est permis d’affirmer qu’indépendance de la justice n’est pas forcément perçue dans l’opinion publique comme neutralité, surtout dans une période d’hypertension politique.
Il y a des mots dont la seule évocation ravive les polémiques. Psychiatrie est de ceux-là. Qu’on le veuille ou non, on pense aux internements infligés aux opposants dans l’ex-Union soviétique. Fort heureusement, on n’en est pas encore là, mais la patronne du Rassemblement national ne manquera pas d’y faire allusion.
En refusant de se soumettre à l’expertise, elle engage déjà le fer avec une justice qu’elle a toujours estimé aux ordres. Que va décider la juge face à ce refus? Pour Marine Le Pen, il y a là matière à entretenir le feu de la victimisation, en établissant un lien entre la saisie de deux millions d’euros pour emplois fictifs et l’examen psychiatrique.
Paradoxalement, si une éventuelle expertise démontrait que la présidente du Rassemblement national n’avait pas tout son discernement en laissant diffuser des scènes de décapitations, cela lui ôterait toute responsabilité dans cette exhibition de la barbarie. La faute politique serait effacée du même coup. Ou comment un acte de procédure peut devenir, quelle que soit son issue, un avantage politique…