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Une heure, une œuvre

Léo Desforges a montré la photo partielle d’une statue.

“Une heure, une œuvre”. Ce programme, gratuit, est proposé par le Frac (Fonds régional d’art contemporain) de Metz aux collégiens. Jeudi 10 novembre, les élèves de cinquième du collège Emilie-Carles ont donc reçu, sous l’égide des professeures, Delphine Bailly et Gwenaëlle Henry, et pour quatre séances d’une heure, l’intervenant Léo Desforges, qui leur a proposé d’analyser une œuvre en sa compagnie. Le sujet traité, dans le cadre des cours de français, est “l’inégalité” dans l’art contemporain.

Lorsqu’il leur a été demandé de citer des inégalités pouvant mener à la discrimination, les élèves ont cité l’inégalité filles/garçons, l’homophobie, le physique, la couleur de peau.

Léo Desforges a alors sorti précautionneusement de sa gangue de papier bulle un tableau, la photographie d’une sculpture se focalisant uniquement sur les visages. « Que vous évoque cette photo ? », demande l’intervenant. Devant les regards interrogatifs, Léo Desforges révèle une autre partie du cadre, où apparaissent plusieurs détails et qui font dire aux élèves qu’« il y a une personne noire », « ça pourrait être un roi et son serviteur », « un parent et son enfant », percevant inconsciemment une relation de soumission. La statue se révèle alors, en entier, sur le tableau blanc. Elle représente, en compagnie d’un esclave fraîchement libéré, Victor Schoelcher, acteur de l’abolition de l’esclavage en 1848. « Cette statue, dressée à Cayenne en Guyane, laisse apparaître une ambiguïté », explique Léo Desforges, « ceux qui l’ont érigée ne sont pas des Guyanais d’origine. Ces derniers s’offusquent qu’on glorifie cet homme alors que ceux qui ont vraiment lutté contre l’esclavage ne sont pas honorés. Il y a inégalité dans le traitement, d’autant plus que l’histoire a révélé que les propriétaires d’esclaves ne les ont libérés que contre une indemnisation financière et non par humanité ». L’intervenant de la Frac cite plusieurs autres statues, dont celle du marchand d’esclaves, Edward Colston. Ce mécène de Bristol (Angleterre) a participé activement au “commerce triangulaire”, traite négrière entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques, pour distribuer des esclaves noirs aux colonies du Nouveau Monde, approvisionner l’Europe en marchandises, de ces colonies, et fournir à l’Afrique des produits européens et américains. Sa statue a été déboulonnée en 2020. « Plus incroyable, en France », ajoute Léo, « Joseph Galliéni, impitoyable colonisateur aux théories racistes, qui a sévi à Madagascar, en Afrique, a partout ses noms de rues, des statues, sa station de métro ». Pour clore son propos, il explique que, « sur beaucoup de statues, le rôle, joué par la personne mise en exergue, n’est pas expliqué, d’où l’ambiguïté, d’autant plus que notre regard sur l’histoire a changé ».

À la question, « qui voudriez-vous voir en statue ? », les réponses ont fusé « le général de Gaulle », « Léonard de Vinci », « Zidane », « Greta Thunberg » et « ma mère ». L’intervenant a invité les collégiens à esquisser les traits de ces futures statues.

Les principaux éléments du programme “une heure, une œuvre”, seront repris en classe et donneront lieu, sans nul doute, à une lecture éclairée de l’histoire, alimentée par de constructives discussions.

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