Une douleur vivace – L’édito de Patrice Chabanet
Le procès des attentats de Paris est destiné à démonter les mécanismes de ces tueries de masse. Mieux comprendre l’indicible, c’est mieux se protéger contre la réédition de pareils carnages. Le scalpel du droit permettra, on l’espère, de déterminer la responsabilité des uns et des autres. Et de décortiquer les arcanes – et les faiblesses – de nos systèmes antiterroristes. Dans ce déballage d’expertises et de contre-expertises on risque d’occulter ce que vivent aujourd’hui les rescapés. Ils n’ont jamais oublié ce qu’ils ont eu sous leurs yeux, parfois à quelques centimètres. Les séquelles sont encore là. Le procès va forcément faire remonter à la surface de leurs mémoires cet instant où tout a basculé dans leur vie. Pour eux, le temps avait explosé pour atteindre une autre dimension. Au Bataclan, nombreux ont été ceux qui ont dû feindre la mort, pendant plus de deux heures. Et entendre gémir les blessés ou le râle des mourants. Ces témoins seront-ils soulagés d’apprendre pourquoi des islamistes forcenés ont croisé leur route un certain 13 novembre ? Au contraire, l’évocation du drame, analysé sous toutes les coutures, ne va-t-elle pas raviver une douleur obsédante, celle du spectacle de l’horreur ?
Des psychologues seront là pour canaliser les émotions et ce sentiment terrible, chez certains, que l’histoire n’est pas finie, qu’elle les rongera toute leur vie. Pour autant, ces grands procès sont utiles, afin de purger le mal qu’est le terrorisme. Nuremberg a eu le mérite de mettre au jour les rouages qui transforment une idéologie en une machine à tuer. Demeure une différence de taille avec le procès qui s’ouvre aujourd’hui à Paris : les donneurs d’ordre seront absents. Une frustration évidente pour les centaines de témoins qui seront là.