Une autre logique – L’édito de Patrice Chabanet
Ce n’est peut-être qu’un changement de forme, mais la gouvernance Macron bouleverse les canons de la politique. Elle tient plus du management d’entreprise que des schémas classiques en vigueur après une présidentielle. Tel un PDG d’un grand groupe, il se concentre sur le recrutement de son directeur général – le Premier ministre – et sur la constitution de son comité de direction – le gouvernement. Il le fait dans la plus grande discrétion. En témoigne son silence qui prend à revers les grandes chaînes d’information en continu qui ne peuvent que broder des hypothèses. Pour le reste, il délègue. C’est ainsi qu’il s’en est remis, pour le choix des investitures, à une commission ad hoc, véritable direction des ressources humaines de son mouvement. Le maire de Pau, François Bayrou, s’en est aperçu à ses dépens. Il tempête, mais Emmanuel Macron ne lui répond pas officiellement, laissant à ses lieutenants le soin de régler le différend. Cette méthode du «je préside, je ne gouverne pas» change des mœurs en vigueur sous les deux quinquennats précédents. Mais elle n’est pas sans risque. Dans notre monarchie républicaine, les citoyens attendent tout du chef de l’Etat, et pas simplement la définition des grandes stratégies. Quant à ses alliés politiques, ils peuvent prendre cette attitude jupitérienne pour une forme d’ar-rogance. Par ailleurs, la droite n’a pas tardé à pointer les couacs des investitures comme l’expression d’un pur amateurisme. Et les ralliements souvent annoncés de ce côté-là de l’échiquier politique ne prennent pas forme. Le démenti d’Alain Juppé, hier soir, constitue une forme de fin de non-recevoir en bonne et due forme. Le nouveau président de la République a réussi à dynamiter le PS. Pour les Républicains, son parcours sans faute semble montrer de sérieuses limites.