Un revers cinglant – L’édito de Patrice Chabanet
Il ne faut pas désespérer de la démocratie. Elle a essuyé de nombreux échecs face aux coups de boutoir des poussées nationalistes. Mais l’exemple turc est rassurant. Les élections municipales viennent de sanctionner lourdement le parti de Recep Erdogan évincé des grandes villes du pays. Etonnamment, le président turc a reconnu sa défaite. « Un coup dur », a-t-il concédé. Un changement de ton dans la bouche d’un homme si prompt à fustiger ses opposants et à monopoliser l’arène médiatique.
La victoire du Parti républicain du Peuple constitue un coup d’arrêt à la dérive islamiste d’Erdogan. Le peuple turc, d’une certaine manière, n’oublie pas l’héritage prestigieux de Kemal Atatürk. C’est lui qui a donné le droit de vote aux femmes et qui a inscrit la laïcité dans la Constitution. Un retour aux sources qui prend aujourd’hui tout son éclat quand on voit ce qu’il se passe dans certains pays du monde musulman. Pour le dire autrement, ce sursaut de la Turquie laïque ringardise un peu plus l’évolution politique et rétrograde de l’Afghanistan.
Cela dit, malgré des propos apaisants, Erdogan n’a peut-être pas dit son dernier mot. Ses paroles de circonstance cadrent mal avec l’image du personnage, pugnace et vindicatif. Les vainqueurs des municipales ont tout intérêt à rester sur leurs gardes. Et à pousser leur avantage, sachant que les islamistes purs et durs du parti Yeniden Refah n’entendent pas rendre la tâche facile au camp de la laïcité. Le plaisir de la victoire ne doit pas exclure la vigilance à tous les étages de la démocratie.