Un peu de décence! L’édito de Patrice Chabanet
S’il est un domaine qui doit être sanctuarisé dans le débat public, c’est bien celui de l’éthique en matière médicale. Dans le cas Vincent Lambert, il ne l’est plus depuis belle lurette. Sur fond de querelle familiale, la cascade de procédures judiciaires donne lieu à des empoignades d’un goût douteux. Avant-hier soir, une nouvelle étape a été franchie lorsque la Cour d’appel de Paris a ordonné la reprise des soins de l’intéressé. On n’était plus dans la compassion ou, tout simplement, dans la défense d’une conviction, mais dans l’ambiance surréaliste d’une fin de match de football. « On a gagné », ont hurlé quelques braillards. L’un des avocats, juché sur un réverbère, a évoqué la « remontada ». Plus que choquant. Surtout contre-productif. On peut comprendre l’attachement d’une mère pour son fils tétraplégique dont les lésions cérébrales sévères ont grandement vidé le mot vie de son contenu. Ce qu’on comprend moins ce sont ces « supporters », qui pour mettre en avant des positions religieuses intégristes, qui pour surfer sur la campagne électorale des européennes. Leur absence de dignité aura certainement fait beaucoup pour desservir la cause qu’ils prétendent défendre. On n’instrumentalise pas un drame médical et familial. Et on ne traite pas de nazis les médecins de l’hôpital de Reims, parce qu’en leur âme et conscience ils estiment qu’il est préférable d’accompagner la fin d’une existence qui n’en a que les apparences.
L’affaire va donc suivre son cours. Plusieurs mois, peut-être plusieurs années. Il faudra forcément en tirer la leçon et le plus tôt sera le mieux, pour sortir du tumulte et du brouhaha. L’une des pistes envisagées est celle de ce que l’on appelle les directives anticipées. Elles sont prévues dans la loi Leonetti, mais les Français la connaissent mal ou ne veulent peut-être pas la connaître : il est difficile d’envisager les conditions de sa propre fin… Mais faute de ces volontés exprimées par écrit, s’ouvre un espace dans lequel peuvent s’engouffrer des litiges dont on voit les énormes dégâts dans l’affaire Lambert.