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Un nuage artificiel : le cirrus homogenitus

Même persistantes, les traînées de condensation finissent par être dispersées par les vents d’altitude particulièrement forts au niveau de la tropopause, comme ici au-dessus de Joinville.

Lorsqu’un avion se déplace en haute altitude, il peut arriver que ses moteurs génèrent des traînées de condensation composées de cristaux de glace. Ces nuages artificiels, de genre cirrus, sont d’espèce “homogenitus”, c’est-à-dire d’origine humaine.

La couche atmosphérique comprise entre le sol et la tropopause se nomme troposphère. La température y décroit avec l’altitude jusqu’à moins 56,5°, où elle se stabilise à onze kilomètres en moyenne dans l’atmosphère standard (normalisée) dont les paramètres physiques sont déterminés par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Ce minimum de température détermine la présence de la tropopause, zone de transition dont l’altitude varie suivant la latitude et la saison : basse au niveau des pôles (environ 9 km), elle est bien plus élevée sur l’équateur (environ 17 km). L’essentiel des phénomènes météorologiques se produit dans la troposphère, sous l’inversion thermique de la tropopause qui bloque l’extension verticale les nuages. La température remonte progressivement au-dessus d’elle, dans la stratosphère, jusqu’à atteindre zéro degré vers 50 km (stratopause).

Il arrive parfois que la partie supérieure des cellules orageuses, les cumulonimbus, puisse franchir la tropopause du fait de la force ascensionnelle de ces nuages convectifs. Les avions de lignes commerciales doivent alors les contourner pour leur sécurité et le confort de leurs passagers, ceci à cause des phénomènes électriques, de la turbulence et du givrage forts, ou encore de la grêle.

Les noyaux de condensation

Dans la troposphère, même si les conditions de formation des nuages sont réunies, avec de la turbulence et un air saturé en vapeur d’eau (qui est un gaz invisible), la condensation (formation de gouttelettes) ne peut se produire qu’avec de minuscules particules qui jouent le rôle de support solide aux gouttes d’eau, flocons de neige ou cristaux de glace : les noyaux de condensation (ou de congélation en température négative).

Ceux-ci peuvent être constitués de sel marin provenant des embruns (l’atmosphère en contient beaucoup), de minéraux d’origine volcanique, de poussières ou de sable prélevés au sol par le vent dans les zones désertiques (ce qui explique les dépôts sahariens jaunâtres ou rougeâtres lors de passages pluvieux).

Ces noyaux de condensation sont également formés d’éléments organiques issus des combustions domestiques ou industrielles (pollution), voire de particules électriques (ions). La concentration de ces noyaux est très importante dans les basses couches de l’atmosphère, notamment dans les régions littorales ou industrialisées.

Cependant, dans un air calme et limpide lavé par d’importantes précipitations, ces particules peuvent faire défaut. En ce cas, même en présence d’un air saturé d’humidité, la condensation de la vapeur d’eau (ou sa congélation) ne peut avoir lieu : c’est le phénomène de “sursaturation”.

Par contre, en haute altitude, à partir de 6 000 m, ce phénomène est courant : seul l’apport de noyaux de congélation en très grand nombre peut donner naissance à des nuages. Par conséquent, la formation des traînées blanches à l’arrière des aéronefs provient des gaz d’échappement de leurs réacteurs ou turbopropulseurs (moteurs à hélices multipales).

Dans une moindre mesure, certains éléments des avions, comme le bout des ailes et les ailerons, produisent également des traînées dites de “détente” (décompression) dues à la baisse de pression sur le dessus des ailes (portance).

Trainées de condensation persistantes, en journée, à la suite d’un exercice nocturne d’avions de chasse de la base aérienne 113 de Saint-Dizier (Photo Patrick Quercy).

Ces phénomènes nuageux s’intensifient au fur et à mesure que l’aéronautique se développe, et contribuent à aggraver le réchauffement climatique par effet de serre. En effet, les traînées persistantes et les nappes de cirrus qui en résultent demeurent trop fines pour un effet d’albédo (réverbération des rayons solaires) qui serait efficace en journée. Par contre, elles absorbent une partie du rayonnement terrestre nocturne et la réémettent vers le sol.

La prévision des traînées de condensation

Que ce soit à l’étage supérieur de la troposphère (surtout l’hiver) ou dans la stratosphère (au-dessus de la tropopause), les traînées de condensation dans l’air sursaturé deviennent spectaculaires pour un observateur au sol, en cas de ciel peu nuageux ou précédemment clair. Des traînées répétitives et rectilignes, dans les deux sens, révèlent un couloir de lignes aériennes commerciales, tandis que des traînées irrégulières, voire anarchiques, sont produites par les circonvolutions des appareils de chasse.
Les météorologistes militaires de l’Armée de l’air et de l’Aéronavale renseignent leurs pilotes sur le risque éventuel de formation de ces cirrus qui peuvent les gêner dans leurs missions en révélant leur passage.
Si l’atmosphère est suffisamment sèche, la formation des traînées de condensation demeure impossible. Toutefois, quand elles peuvent apparaître à partir d’une altitude déterminée, deux scénarios sont à envisager : les traînées sont fugaces ou persistantes.

Même persistantes, les traînées de condensation finissent par être dispersées par les vents d’altitude particulièrement forts au niveau de la tropopause, comme ici au-dessus de Joinville.

Ces dernières peuvent se maintenir tout au long d’une journée, même si des avions les ont produites au cours de la nuit précédente. Par la suite, les traînées persistantes finissent par disparaître, dispersées par les vents forts qui règnent aux abords de la tropopause. C’est grâce aux analyses météorologiques quotidiennes, effectuées dans l’atmosphère par radiosondages au moyen de ballons sondes, que la prévision des traînées de condensation est rendue possible.
En cas de gêne pour sa mission, le pilote militaire maintient son appareil à une altitude inférieure à la zone de formation de ces phénomènes. Cette solution pourrait s’appliquer à l’aviation civile. Pour celle-ci, l’intérêt financier est de profiter des vents d’altitude, afin d’économiser des tonnes de carburant pour emporter plus de fret.
De notre correspondant Patrick Quercy

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