Un monument – L’édito de Christophe Bonnefoy
Une œuvre reste une œuvre. Qu’elle soit moquée, critiquée, parfois difficilement compréhensible, que l’artiste semble nous être hors sol et souvent à la limite des sphères de la normalité. Ou qu’à l’inverse elle se pose en référence incontestée. Qu’on distingue en l’artiste un génie en son domaine. Un créateur aux idées les plus novatrices. De celles qui marquent une époque.
Jean-Luc Godard était de ces cinéastes qui ne captent pas toujours l’attention du grand public. Mais dont chaque film était un événement. Celui qui avait été capable d’installer “A bout de souffle” comme, peut-être, LE chef-d’œuvre absolu. L’acteur principal, si l’on peut dire, d’une Nouvelle vague aujourd’hui encore solidement installée dans le vocabulaire cinématographique. Un courant fondateur.
Godard, c’était un peu tout à la fois. Le reflet d’une époque comme, à l’inverse, la volonté d’en sortir. L’art porté à son paroxysme, mais aussi des créations quelquefois totalement passées inaperçues. Ou comment ne jamais se reposer sur ses lauriers, au risque de susciter l’incompréhension. Ce dont il n’avait cure, d’ailleurs. Godard, c’était aussi un personnage. Un sacré personnage, pour le coup. Capable de mémorables coups de gueule, quitte à s’isoler d’un monde auquel il appartenait et que néanmoins il exécrait. Loin, très loin du star système.
Le cinéaste franco-suisse s’en est allé à l’âge de 91 ans. Et avec lui, ses contradictions, ses œuvres, grandioses ou inaccessibles. C’est un monument qui vient de disparaître. Qui aura révélé bien des acteurs dans des rôles souvent à contre-courant. Qui aura marqué l’histoire de son art. Tout simplement, si l’on peut dire.