Un autre terrain – L’édito de Christophe Bonnefoy
Cette fois, la bêtise crasse n’est pas venue des tribunes. Elle ne s’est pas exprimée par d’insupportables cris de singe lancés par des supporters aussi débiles que malsains. Aucune peau de banane n’a été lancée sur la pelouse à l’adresse d’un joueur de couleur. Cette fois, même, le racisme primaire a en apparence revêtu un aspect moins violent. Mais tout aussi insidieux.
Cette fois, c’est ce qu’on appelle un “officiel” – un arbitre assistant – qui a montré à quel point l’humain peut parfois être lamentable. Lui, n’a pas sciemment insulté. On pourrait même presque dire que c’est avec un naturel déconcertant qu’il a désigné un membre du staff de l’équipe turque du Basaksehir Istanbul par un « le noir » dont on subodore qu’il était loin de la notion de respect. Terrible, tant on devine que ce genre de comportement n’est sûrement pas un cas isolé. A tel point que les plus hautes instances, depuis des années, dénoncent à travers de jolies campagnes de publicité le racisme qui gangrène le monde du sport. La société tout entière même. Mais au final, elles n’ont jamais rien fait, sinon se donner bonne conscience. La preuve.
La réaction des footballeurs turcs et parisiens, mardi soir, marquera un tournant. En quittant le terrain et, surtout, en refusant de revenir jouer, ils ont, pour une fois, pris clairement position. Et, pour une fois encore, placé les valeurs de l’humain au-dessus de celles de l’argent, des contrats juteux et d’enjeux sportifs qui dépassent de loin le simple goût de l’effort.
Hier soir, ce match de Ligue des champions, reprogrammé à 19 h, était symbolique. Peu importe le résultat, les dés étaient en effet déjà jetés. Le symbole était ailleurs. Mbappé, Neymar et les autres acteurs de la rencontre ont, peut-être, par leur réaction de mardi, posé les bases de nouvelles règles du jeu. Enfin !