Un absent – l’édito de Christophe Bonnefoy
Les procès, particulièrement lorsqu’on parle d’attentats, revêtent toujours un double intérêt. D’abord, mettre hors d’état de nuire, on l’espère définitivement, ceux qui en sont les auteurs. Comprendre, aussi, pourquoi ils sont passés à l’acte. Pas pour les dédouaner. Mais pour tenter de comprendre comment on pourra éviter, à l’avenir, que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. Du côté des victimes et de leurs familles, les audiences permettent de regarder les terroristes droit dans les yeux. Pour, quand c’est possible, refermer enfin une porte virtuelle. Faire le deuil grâce à des réponses. Elles ne ramènent jamais les morts à la vie. Mais elles arrivent, un peu, comme ce chapitre ultime qui referme le livre de la douleur. Ou en tout cas permet de le mettre de côté, autant que faire se peut.
Dans le cas des attentats de Nice, qui avaient fait 86 morts le 14 juillet 2016, il n’y aura pas de regard à affronter, pour les plus de 860 parties civiles. En tout cas pas celui de l’auteur principal, tué par les forces de l’ordre. Dans le box des accusés, huit personnes. De l’entourage du terroriste ou des intermédiaires. Frustrant pour tous ceux qui attendent des réponses, quelles qu’elles soient, six ans après.
Mais certaines réponses n’auraient de toute façon jamais pu venir de celui qui était au volant du camion de la mort. En filigrane, on aura, par exemple, une question essentielle adressée… aux pouvoirs publics. Comment, un soir de Fête nationale et quelques mois seulement après une terrible année 2015, a-t-on pu laisser une promenade des Anglais à ce point ouverte, c’est le cas de le dire, à toute velléité d’attentat. Débats difficiles à supporter, sans doute, pour des victimes qui auront le sentiment qu’on aurait pu éviter le pire.