Triste symbole – L’édito de Christophe Bonnefoy
Jawad Bendaoud n’est pas un terroriste. Le procureur l’a rappelé hier. Un petit caïd, un opportuniste, un voyou attiré par quelques billets mal acquis, sans aucun doute. Un délinquant comme il en existe des centaines d’autres, c’est une évidence. Bien sûr, jamais il ne dira, pendant son procès – qui s’est ouvert hier pour «recel de malfaiteurs terroristes» -, qu’il a sciemment logé des jihadistes. Encore moins qu’il aurait approuvé d’éventuels attentats. Il a préféré, dès le départ, jouer le rôle de celui qui ne comprenait pas qu’on puisse oser penser qu’il faisait partie de la chaîne meurtrière de ce 13 novembre 2015. Il a juste… rendu service. Bêtement. Si bêtement que son argument fut, si l’on peut dire en ces circonstances dramatiques, presque risible à l’époque.
Mais, et c’est bien là le problème pour Bendaoud, qu’il ait eu des doutes ou pas sur ses locataires, il reste celui qui est devenu presque malgré lui un symbole de ce triste 13 novembre.
Le nombre de parties civiles montre à quel point elles ont besoin – et le pays entier par la même occasion -, d’obtenir des réponses. Afin de pouvoir faire le deuil, même si le terme est un peu trop galvaudé. Mais on ne fait jamais le deuil de proches lâchement assassinés, même quand on peut affronter, les yeux dans les yeux, ceux qui ont tué froidement. Et pour le coup, ces parties civiles n’ont que le regard d’un intermédiaire à croiser.
Ce procès pose une question essentielle : on sait comment juger des meurtriers, quand on peut encore les juger. Il est parfois beaucoup moins évident, en revanche, de déterminer la gravité des actes de ceux qui sont intervenus en amont, par de menus services, si on peut appeler ça comme ça sans craindre le ridicule.