Commentaires (0)
Vous devez être connecté à votre compte jhm pour pouvoir commenter cet article.
Tribunal judiciaire : les avocats inquiets

Tribunal judiciaire : les avocats sont inquiets

Tribunal judiciaire : les avocats inquiets
Le bâtonnier Damien Wilhelem exprime de vives inquiétudes.

Absence de président, manque d’attractivité de la juridiction, recours excessif à des juges placés, magistrats et greffiers surmenés, dégradation du service d’aide juridictionnelle… Bâtonnier, Damien Wilhelem exprime les vives inquiétudes des avocats.

Jhm quotidien : Le départ de Philippe Mathieu, président du Tribunal judiciaire en poste depuis six ans est acté, son poste demeure vacant, quel sentiment vous inspire cette situation exceptionnelle ?

Damien Wilhelem : « Un appel à candidature s’est avéré infructueux, un nouvel appel a été présenté, concrètement, un recrutement va avoir lieu, une personne en poste va être nommée, mais nous avons peu d’espoir d’avoir un président avant mars-avril. Le président d’un Tribunal judiciaire (TJ) est un chef d’orchestre, l’absence de président a un réel impact sur l’organisation et le fonctionnement du tribunal. Ce temps de vacance est exceptionnel. Comme l’a indiqué le président Mathieu, la juridiction souffre d’un problème d’attractivité. Le système en place dans les Dom-Tom pourrait être mis en place en Haute-Marne, une prime pourrait être associée aux affectations à Chaumont afin de gagner en attractivité comme l’a dit le président Mathieu sur le ton de la boutade. Les effectifs de magistrats et de greffiers sont en souffrance, cette situation entraîne un surcroît de travail et des conditions de travail dégradées, des greffiers en poste ici depuis de nombreuses années, des personnes très rodées, très impliquées, le sens service public chevillé au corps, ne sont pas loin de craquer ».

Jhm quotidien : Un intérim est-il assuré ?

D. W. : « Selon nos informations, il semblerait que madame Brugère, secrétaire générale de la Cour d’appel, assure cet intérim, mais madame Brugère ne tiendra aucune audience, il semblerait qu’elle soit affectée à des fonctions purement administratives, de gestion du personnel, notamment. A l’heure actuelle, aucune audience solennelle du Tribunal judiciaire organisée sous sa forme habituelle, en présence des représentants des autorités civiles, militaires ou religieuses, n’est programmée. Cette situation est exceptionnelle. L’audience solennelle permet chaque début d’année de rendre compte, mais également de faire passer des messages comme ont pu le faire, en toute indépendance, plusieurs présidents par le passé. Au-delà de madame Brugère, monsieur Devalloir, vice-président, assure également l’intérim, mais il ne peut supporter les fonctions de président. Nous vivons une situation inédite ».

Des délais source de tensions

Jhm quotidien : Les difficultés ne se limitent pas à l’absence de président…

D. W. : « Depuis deux années complètes, un seul poste de Juge aux affaires familiales (Jaf) est affecté. Les deux postes de Jaf sont actuellement vacants, deux juges placés sont en poste, l’un d’eux sera présent toute l’année, l’autre va rester à Chaumont mais n’occupera plus les fonctions de Jaf. En matière d’affaires familiales, le service n’est pas bien rendu, le temps de traitement est long, cette situation peut générer des tensions, des situations de violences intrafamiliales. Face à d’évidents problèmes d’effectifs, la Cour d’appel a affecté des juges placés. Dans le ressort de la Cour d’appel, cinq juges placés peuvent être affectés pour effectuer des remplacements, quatre de ces juges siègent à Chaumont depuis septembre 2023, on a concrètement utilisé ces juges placés, non pas pour assurer des remplacements, mais pour occuper des postes vacants. La Cour d’appel a fait le maximum, certes, mais un réel problème d’affectation des effectifs demeure, nous perdons un président, nous perdons un juge des enfants en raison d’un congé paternité, à ces absences s’ajoutent des situations particulières, un juge en poste à Saint-Dizier siège par exemple à temps partiel pour raison thérapeutique. Au Tribunal de proximité de Saint-Dizier, de nombreux dossiers sont renvoyés, les urgences sont traitées, mais le délai de traitement de nombreux dossiers s’allonge ».

Jhm quotidien : La dégradation est-elle générale ?

D. W. : « Le Parquet tourne à plein effectif, c’est une bonne chose d’un point de vue des préoccupations d’ordre public, mais ce fonctionnement à plein effectif se heurte au manque de magistrats du siège. Les retards observés à l’échelle du Jaf sont désormais généralisés, je pense notamment aux délais de traitement de contentieux liés à la construction, à l’immobilier ou à d’importantes. Le Parquet alimente un flux que les tribunaux ne peuvent traiter dans un délai satisfaisant ».

Propos recueillis par Thomas Bougueliane

Régionalisation du Bureau d’aide juridictionnelle

« Un Bureau d’aide juridictionnelle était accessible dans chaque juridiction, dans le cadre d’une expérimentation menée dans le ressort de la Cour d’appel de Dijon, le traitement des demandes d’aide juridictionnelle a été centralisé à Dijon. Le TJ de Dijon était sinistré, le délai de traitement pour une demande d’aide juridictionnelle était supérieur à six mois, à Chaumont, ce délai était de quatre jours, le fonctionnement était efficient.

Le ministère a mis en avant une rupture d’égalité, il n’était pas normal que les Chaumontais soient mieux traités que les Dijonnais… Le traitement d’une demande déposée à Chaumont est concrètement passé de quatre jours à quatre mois alors que l’objectif du ministère était de limiter le délai à cinq jours. Le délai d’exécution à Dijon est dans le même temps passé à deux mois. Les greffiers affectés au Bureau d’aide juridictionnelle de Chaumont ne sont plus affectés à cette mission, la transmission numérisée des demandes a été confiée aux personnes assurant l’accueil, des personnes travaillant dans des conditions très difficiles.

A la gestion des appels téléphoniques et à l’accueil du public, on a rajouté à ces personnes le recueil des demandes et leur envoi. Le service s’est clairement dégradé. Concrètement, une personne engagée dans une procédure d’affaires familiales doit attendre quatre mois afin de savoir quel avocat pourra l’assister dans le cadre de l’aide juridictionnelle, l’avocat va faire tout son possible pour déposer une requête, il faudra attendre six ou huit mois avant que le dossier ne soit audiencé, il faudra donc un an pour régler une demande de pension alimentaire et autres questions liées à une séparation. La situation était dramatique à Dijon, elle s’est améliorée, à notre détriment ».

L’effet Paris 2024

« Au niveau national, le budget alloué à la Justice n’a jamais autant progressé, des efforts ont été consentis, mais on note des situations surprenantes. En raison des Jeux Olympiques, les juridictions de la couronne parisienne ont été renforcées. Les JO durent deux semaines, des hordes de Wisigoths ne sont pourtant pas attendues…

Cette politique répond à une volonté d’anticipation en matière d’ordre public, il serait question d’effectuer un coup de balais sur la délinquance en région parisienne afin de prévenir des problèmes durant les JO. Ce fonctionnement à plein effectif dans ces juridictions s’oppose à celui observé dans d’autres. A l’échelle de la Cour d’appel de Dijon, la situation du TJ de Chaumont dénote, les tribunaux de Dijon, Chalon-sur-Saône ou Mâcon ne connaissant pas de tels problèmes au niveau des effectifs, mais on note des difficultés similaires à celles de Chaumont à Châlons-en-Champagne ou Charleville-Mézières.

A Charleville, même s’il faut toujours être extrêmement prudent sur un éventuel lien de causalité, un magistrat a récemment tenté de mettre fin à ses jours. Un mal-être au travail peut s’installer rapidement quand les effectifs ne sont pas au complet ».

Sur le même sujet...

Reconnu coupable d’agression sexuelle, il écope de 36 mois de prison dont 12 mois avec sursis
Abonné
Langres
Reconnu coupable d’agression sexuelle, il écope de 36 mois de prison dont 12 mois avec sursis
Tribunal correctionnel

Un homme de 38 ans a comparu détenu mardi 23 avril devant le tribunal judiciaire de Chaumont, pour agression sexuelle sur sa compagne dont il était une nième fois séparé(...)

Gifles à son épouse, avant de la poursuivre : « j'étais dans un tourbillon »
Abonné
Chaumont
Gifles à son épouse, avant de la poursuivre : « j’étais dans un tourbillon »
Tribunal correctionnel

Un quadragénaire a comparu devant le tribunal correctionnel pour violences conjugales, lundi 22 avril. Fini, le verbe, sa colère explosive s’était notamment traduite par des gifles à son épouse, le(...)

Violences aggravées sur sa mère : « je ne me croyais pas capable de faire ça »
Abonné
Valcourt
Violences aggravées sur sa mère : « je ne me croyais pas capable de faire ça »
Tribunal correctionnel

Une fille à laquelle des faits de violences aggravées sur sa mère sont reprochés. En récidive. À qui la justice a proposé un encadrement pour se libérer d’addictions délétères. À(...)