Tribunal correctionnel : histoires de descente aux enfers
Conduite en état d’ivresse en récidive et violences sur conjoint étaient au menu des affaires jugées au tribunal correctionnel de Chaumont ce lundi 3 octobre.
« J’allais chercher mon pain ». « Le pain, ça se congèle ! » Madame le président Boyer est femme de bon sens. Eric G. n’a pas congelé son pain… Le goût du pain frais, certainement. Place au pain noir.
Dimanche 2 octobre 2022, à Chaumont, l’attention des policiers était attirée à la vue d’un véhicule utilitaire. Le conducteur est connu des hommes en bleu. Et pour cause : l’imprudent automobiliste a récemment été condamné pour conduite sans permis et conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Un semblant de progrès est observé. Cette fois, Eric G. affiche un taux d’alcoolémie inférieur au taux contraventionnel. Le quinquagénaire n’est toutefois pas en mesure de conduire suite à une annulation de son permis prononcée en avril 2022 dans le cadre de poursuites relatives à une récidive de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.
Le prévenu a été alerté, sanctionné, à plusieurs reprises. Oui, mais voilà… « Mon voisin ne pouvait pas me conduire, il pleuvait, j’ai pris mon pain et mes cigarettes avant d’être arrêté… » Le quinquagénaire semble avoir pris conscience de ses fautes. On pourrait venir à en douter. « J’ai reçu monsieur il y a dix jours puisque sa dernière condamnation date du 22 septembre, il m’a tenu le même discours, monsieur me parlait déjà de prise de conscience », notait madame le procureur Pelletier. La prise de conscience fut brève, pour le moins.
« La prison, pour lui… »
Comment un homme de 59 ans longtemps inconnu de la justice a-t-il pu en arriver là ? Me Lalloz a la réponse. Un divorce, un licenciement à 56 ans après 35 ans dans la même entreprise… « Monsieur touche 600 euros d’ASS (Allocation de solidarité spécifique, Ndlr), mais il n’a même pas fait valoir l’assurance chômage de son crédit immobilier, il continue de rembourser 200 euros par mois ! »
Et puis, en écho à une peine de prison ferme requise par le ministère public… « La prison, pour lui, c’est quand on vole, quand on se bat, quand on tue ». Condamné à deux mois de prison ferme, informé de la révocation à hauteur de trois mois d’une précédente peine assortie d’un sursis, le quinquagénaire devra s’en remettre à une éventuelle mesure alternative à la détention prononcée par un juge d’application des peines pour éviter d’y croupir, en prison.
Violence sur conjoint : « Un moment d’égarement »
Retraité, Eric P. a également tardivement perdu pied. Condamné en octobre 2020 pour violence sur conjoint, un premier « moment d’égarement », monsieur a récidivé. La nature des faits interroge. Au cours d’une dispute avec madame survenue en présence d’une infirmière, monsieur a violemment poussé le fauteuil roulant dans lequel sa compagne est clouée. La victime a heurté un verticalisateur. Le choc a été violent comme en atteste une Incapacité totale de travail (ITT) de deux jours. A la barre, le prévenu faisait état d’un simple « moment d’égarement ». Mais, tout de même… « Je suis responsable de ce que j’ai fait, je n’avais pas à le faire, je m’en excuse », soutenait le prévenu. De « moment d’égarement », il n’est point question, il s’agit de violences.
Entre elle et lui, « c’est fini »
L’apparente prise de conscience exprimée par le prévenu tranchait avec l’attitude observée en garde à vue et à l’occasion d’une expertise psychiatrique. La personnalité de monsieur interroge. En mode claquettes-chaussettes. Et en short, à l’aise, à la barre du tribunal. Une fragilité faisait jour. Un traumatisme. « Mon frère est décédé, il a été poignardé par mon frère ». Ça chamboule un homme. Eric P. se disait prêt à profiter d’un accompagnement psychologique. Et puis, avec la victime, « c’est fini ». « Elle m’envoie des SMS, mais je ne réponds pas. (…) J’ai trouvé une nouvelle amie, sur Internet ». La rencontre entre retraité et victime l’avait également été, au début, virtuelle, un signe des temps.
Décision ? Dans la droite lignée de réquisitions saluées par le prévenu, six mois de prison, une peine intégralement assortie d’un sursis probatoire comprenant obligations de soins et interdiction d’entrer en contact avec la victime.
T. Bo.