Tribunal correctionnel : de la marijuana ou une « bonne grosse tisane » ?
Un dossier relatif à la saisie, le 1er décembre 2020, de 118 kg de fleurs de cannabis à très faible teneur en THC a mis en lumière différentes difficultés. La montagne accoucha d’une souris.
De la marijuana ? « Une bonne grosse tisane ! » Me Febbraro en vint, à l’heure du petit noir, à qualifier ainsi la nature des 118 kg d’herbe de cannabis saisis par les fonctionnaires des Douanes à l’occasion d’un contrôle mené, le 1er décembre 2020, sur l’axe autoroutier A 31, à hauteur de la commune de Rolampont. Propriété d’une société de transport transalpine basée à San Remo, la camionnette visée par ce contrôle transportait de nombreux colis à destination du Royaume-Uni. « Dix-huit cartons sans marquage », des colis parmi d’autres, éveillèrent l’attention des douaniers. Au total, 118 kg de fleurs de cannabis furent découverts dans des « sacs opaques thermosoudés » comportant des mentions censées attester de la présence de nourriture destinée aux oiseaux.
La nature de la marchandise posa question. Un représentant des Douanes en convint : le taux de THC du cannabis habituellement saisi est de 13 %. Les analyses des fleurs saisies dans le cadre de ce contrôle révèlent des taux de THC oscillant entre 0,64 % et 0,72 %. Aussi minimes soient-ils, ces taux de THC dépassent les 0,3 % autorisés sur le territoire français dans le cadre de la législation relative à la vente de CBD (cannabis à très faible teneur en THC dont la vente est autorisée en France, Ndlr). La valeur de la marchandise saisie a été estimée à la somme de 22 000 euros. Une paille au regard de la valeur, estimée à 413 000 euros, de 118 kg de marijuana affichant un taux de 13 % de THC. Autre point, révélateur : la société spécialisée dans la vente de plantes médicinales destinées à l’industrie pharmaceutique à la base de l’expédition du fameux stock a sollicité auprès des autorités françaises la restitution de la marchandise sausie.
Coupable et non coupable
Au-delà de ce point, la responsabilité du chauffeur de la camionnette aura clairement posé question. De nationalité roumaine, établi en Italie depuis plusieurs années, inconnu des autorités européennes, marié, père de famille, ce salarié disposait de différents documents nécessaires au transport de sa cargaison, dont des analyses indiquant que les fleurs de cannabis transportées affichaient un taux inférieur à 0,2 % de THC.
Si, comme le reconnut le procureur Cécoltan, la responsabilité du prévenu ne peut être retenue sur un plan pénal, ce professionnel de la route aurait bel et bien enfreint le Code des douanes. Un Code des plus particuliers privilégiant, en opposition totale avec le principe fondamental de présomption d’innocence, une « présomption de responsabilité, hors preuve de bonne foi ». Le chauffeur n’aurait pas été assez regardant… Différents éléments auraient dû alerter l’attention du professionnel de la route…
Trois ans de prison ferme dont deux assortis d’un sursis probatoire furent requis. Une aberration aux yeux de la défense. « La société pour laquelle monsieur travaille s’est manifestée suite à l’arrestation de ce simple chauffeur, la société à l’origine de cette expédition également, mais aucun des gérants n’a été entendu. L’employeur de monsieur a été jusqu’à payer 15 000 euros de caution libératoire afin de permettre la remise en liberté de ce salarié placé en détention provisoire pendant cinq mois. (…) Ce dossier est effarant, quand vous n’êtes pas coupable, vous l’êtes encore ! Ce chauffeur ne connaît pas les législations en vigueur dans différents pays, il n’est pas chimiste, son employeur lui a assuré que tout était en règle, mais il faudrait le châtier, le condamner pour l’exemple en se basant sur une présomption de culpabilité en matière douanière. Ce chauffeur n’aurait pas rapporté la preuve de sa bonne foi ? Comment peut-on le penser ? En France, il n’appartient pas à la défense de mener des investigations, il ne m’appartient pas de faire le travail du procureur de la République et du juge d’instruction, ce travail n’a pas été fait », tonna Me Febbraro.
Sur la base des textes en vigueur, le tribunal rendit une décision surréaliste pour qui est étranger aux logiques contraires de différents codes. Relaxé sur un plan pénal des différentes poursuites, dont le transport de stupéfiants, engagées à son encontre, déclaré coupable des infractions douanières, Constantin N a été condamné à une amende de 22 000 euros. Ayez confiance, tout est sous contrôle.
T. Bo.