Tout un style – L’édito de Patrice Chabanet
Le bilan d’un ou d’une responsable politique ne se juge pas seulement aux résultats obtenus pendant son mandat. Angela Merkel a coché pratiquement toutes les cases qui ont fait d’elle un leader incontesté sur la scène européenne. 16 ans à la chancellerie. La partie était loin d’être gagnée après l’activisme fructueux de son prédécesseur, Gerhard Schröder. Elle a su éviter le piège qui consiste à discréditer ce que propose l’adversaire. Plutôt la continuité qu’une polémique sans fin sur les objectifs à atteindre. La santé resplendissante, voire insolente, de l’économie allemande montre la pertinence de cette forme de gouvernance. On est en droit de sourire quand on entend ici ou là en France que le départ de Merkel serait une forme de faiblesse. Elle estime tout simplement que sa mission est accomplie et qu’il est désormais nécessaire de consacrer un peu plus de temps à elle-même. L’Allemagne a conforté sa place de première puissance économique du Vieux Continent. Mais un tableau si flatteur conserve ses zones d’ombre : l’arrêt brutal du nucléaire, sans informer les partenaires de l’Union européenne a révélé des zones de rupture dans le couple franco-allemand. Le recours au charbon – et au gaz russe – ne va pas vraiment dans le bon sens de la transition écologique.
La bonne image d’Angela Merkel tient aussi, et surtout, à sa personnalité. Elle n’a jamais théâtralisé ses prises de position. Ces dernières ont quelque chose de convenu et de retenu, de soporifique même. En cela, elle a été aidée par le contexte politique – et même émotionnel – de la nouvelle Allemagne. Plus question depuis 1945 d’organiser dans le pays de grands meetings avec des orateurs hystérisés. Le pragmatisme prime, mais sans la brutalité d’une gestion désincarnée. Angela Merkel l’a pratiqué pendant 16 ans, avec un certain succès.