Tout le monde savait – L’édito de Christophe Bonnefoy
Tout le monde savait. Mais personne n’a rien dit. Parce qu’il est plus facile de fermer les yeux. De faire semblant de n’avoir pas vu.
Ainsi fonctionnait – fonctionne encore ? – le milieu du cinéma. Et pas que lui, sphères pas très claires où les carrières se font et se défont au gré des caprices, au gré de l’humeur d’un réalisateur, d’un acteur vedette ou d’un producteur parfois véreux. Au gré du refus d’une potentielle victime, actrice ou acteur encore dans sa chrysalide, un peu perdu(e) en terre inconnue.
A 12 ans, à 13 ans, petite fille ou petit garçon, on ne sait pas. On n’ose pas. On croit que c’est normal. Qu’un geste déplacé n’est qu’un geste d’affection. Puis on pense qu’on oubliera, sans trop comprendre même ce qu’il y a à oublier. Voire, que se voir prêter attention est valorisant, plutôt que dégradant.
Tout le monde savait. Mais on ne dénonce pas sur l’instant ceux qui font briller les étoiles devant vos yeux. Ceux qui vendent du rêve. Ou à l’inverse, d’un mot, décident de se passer de vous.
Ce jeudi, devant les sénateurs, Judith Godrèche est venue rappeler ces pratiques érigées en habitudes. Un droit de cuissage, en fait, mais qui n’en porte pas le nom. L’actrice n’a plus rien à prouver. Personne ne pourra aujourd’hui lui reprocher de vouloir se construire une carrière. C’est déjà fait. Au contraire, en réclamant une commission d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles dans le milieu du Septième art, elle vient bousculer encore un peu plus cet entre-soi déjà maintes fois vomi par ceux qui en sont les victimes. Certains ne lui pardonneront pas.
Les monstres ne sont pas que dans les scenarii. Ils avancent parfois à visage presque découvert. Et jusqu’ici, souvent, en toute impunité.