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Tour de France 2002

Reportages réalisés sur le route du Tour lors des éditions 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005 en compagnie de Rémi Bourrières, Richard Zampa et Laurent Génin.

Archives 2003 et 2004 en cours de traitement.

 

Tour de France 2002

7 juillet – 1ère étape (Luxembourg ville – Luxembourg ville)

Victoire du Suisse Rubens Bertogliati.

 

8 juillet – 2ème étape (Luxembourg – Sarrebruck)

Victoire au sprint du Champion du monde Oscar Freire. Rubens Bertogliati conserve le maillot jaune.

 

9 juillet – 3ème étape (Metz – Reims)

L’Australien Robbie Mc Ewen s’impose à Reims. Erik Zabel endosse le maillot jaune.

Un parcours chargé d’histoire

De Metz, la ville de Verlaine annexée par la Prusse, à Reims, la ville des Sacres, en passant par Verdun, Saint-Menehould, Valmy et Suippes, la troisième étape du Tour a plongé le peloton et le public au cœur des plus sinistres épisodes de l’histoire de la Gaule et de la France.

Reims. Sous ses airs de grande fête de juillet, le Tour de France s’est toujours plu à remonter le temps et ainsi assurer le devoir de Mémoire. Saccagée par Attila en 451, annexée par la Prusse au lendemain de la guerre franco-allemande de 1870, allemande jusqu’au terme de la première guerre mondiale, Metz, ville militaire et traditionnelle hôte du Tour de France a donné le ton à cette troisième étape historiquement lourde de sens.

Partis la fleur au fusil dès le 6ème kilomètre, Jacky Durand et Franck Renier ont commencé par traverser Verdun, lieu du souvenir des atrocités de la Grande guerre. Ville étape en 2001 (victoire de Laurent Jalabert), la capitale mondiale de la Paix, théâtre de l’historique réconciliation incarnée par la rencontre entre Helmut Kohl et François Mitterrand, Verdun, verdoyante et noire de monde, a une fois de plus tenu la dragée haute au passé en mettant en avant les valeurs humanistes incarnées par le sport. Parfois accompagnés de chars d’assaut AUF1 dotés de canons de 155 mm, de Verdun à Suippes, les nombreux militaires en poste dans la Meuse et dans la Marne ont tenu à marquer, en uniforme, le passage du Tour, sans ternir un tableau déjà bien sombre. Une telle démonstration de force a toutefois pu apparaître choquante à certains moments même si les treillis se sont le plus souvent fondus à un verdoyant paysage.

De siècle en siècle

Durand et Renier, en bons compagnons de virée, n’ont pas échappé à la vigilance des habitants de Saint-Menehould, la commune où Louis XVI fut reconnu lors de sa fuite, en 1791, avant de voir son périlleux exil s’achever à Varennes. Jonglant avec le temps, les deux valeureux échappés se sont vite replongés dans l’histoire contemporaine en pointant le bout de leur nez du côté de Valmy, la ville où la République surgit suite à la victoire des troupes révolutionnaires menées par Dumouriez et Kellermann, troupes venus à bout de l’armée prusienne de le 20 septembre 1972.

A Suippes, le peloton pousse

Plus de deux siècles plus tard, une révolution s’est à nouveau déclenchée dans cette commune d’à peine 300 habitants. Celle d’un peloton bien décidé à chambouler le pouvoir exercé par deux Français. A Suippes, ville située aux confins de l’ancien camp du terrible Attila devenue au XXème siècle une zone militaire stratégique lors de la bataille de Champagne de 1915, les deux hommes de tête ont commencé à comprendre qu’ils n’étaient plus que de la chair à canon face à la puissance d’un peloton en conquête. Huit kilomètres avant l’entrée dans la ville des Sacres (Reims), la raison a vaincu la douce folie de deux hommes bien décidés à honorer la première étape de ce Tour 2002 se déroulant sur le territoire français.

Pourtant baptisés, Durand et Renier ont bu le pétillant calice jusqu’à la lie. Au sprint, à la régulière, Erik Zabel, fier Simandre, s’est courbé avant de rompre face à la puissance de l’Australien Robbie Mc Ewen qui décrochait la cagnotte d’un effort violent et temporaire. Désormais vêtu de jaune, Zabel a reçu l’ovation de tout un peuple, un peuple issu de divers horizons, un peuple ne faisant qu’un lorsque la petite reine triomphe.

Comme dans un moulin, les 189 coureurs du Tour de France, dont neuf Allemands, ont traversé l’histoire le temps d’une étape. Le cœur léger, la tête dans le guidon, certains auront usé du fameux rétro-pédalage afin de replonger au cœur de leur propre histoire.

 

10 juillet – 4ème étape (Epernay – Château-Thierry)

Le contre-le-montre par équipes est remporté par l’équipe espagnole Once-Eroski. Igor Gonzales Galdenao s’empare du maillot jaune.

Saint-Dizier a le droit d’y croire

La Grande boucle est-elle en passe de connaître une seconde histoire d’amour avec la Haute-Marne ? Après Chaumont en 1974, la Société du Tour de France pourrait jeter son dévolu sur Saint-Dizier, en 2003, à l’occasion du centenaire de la folle saga de juillet.

Château-Thierry. Annoncé en grande pompe, le centenaire du Tour de France pourrait prendre une dimension exceptionnelle à l’échelle de la Haute-Marne, Saint-Dizier promettant de figurer sur le carnet de route de l’édition 2003. Depuis cinq ans, la municipalité bragarde multiplie les démarches afin d’accueillir la plus populaire des épreuves sportives. Sans succès… Maire-adjoint en charge des affaires sportives, Frédéric Garcia ne cesse pourtant de rêver de pareil événement. «Nous croisons les doigts pour la ville et le département, souligne l’élu. En 2000, suite à notre quatrième candidature, la Société du Tour de France a sérieusement pris contact avec bous. Finalement, ça ne se n’est pas fait, mais je garde bon espoir de voir le Tour à Saint-Dizier.»

En axant ses candidatures répétées sur l’aspect “carte postale” du lac du Der et sur la proximité avec Paris, Frédéric Garcia et la municipalité bragarde espèrent séduire Jean-Marie Leblanc et ainsi concrétiser un rêve en replongeant la Haute-Marne, terre de Régis Clère, au cœur de la folle saga de juillet.

Le département n’a accueilli la Grande boucle qu’à une seule et unique reprise. En 1974, la huitième étape, partie de Châlons-en-Champagne s’était achevée à Chaumont. Une arrivée en apothéose puisque le Français Cyrille Guimard s’était imposé devant un public en liesse. Le lendemain, les coureurs (dont le “cannibale” Eddy Merckx, vainqueur de ce Tour devant Raymond Poulidor, éternel second) s’étaient élancés de Chaumont pour rejoindre Besançon.

Vingt-huit ans plus tard, Saint-Dizier est en passe d’offrir à la Haute-Marne un rayonnement international. Quoi qu’il arrive, il faudra attendre l’automne pour connaître la décision de la Société du Tour de France qui a pour habitude de ne jamais ébruiter la moindre information sur les parcours des éditions à venir.

Un sérieux appui

Pour parvenir à ses fins, Saint-Dizier peut compter sur un sérieux appui en la personne de Michel Bernard, sous-préfet de la ville du Nord du département. Amateur de cyclisme, ce dernier a pour cousin Jérôme Bernard, coureur de l’équipe Jean Delatour. Michel Bernard compte également parmi ses connaissances Daniel Baal, directeur-adjoint du Tour de France et ancien président de la Fédération française de cyclisme. Daniel Baal aura ainsi convié Michel Bernard à suivre l’étape Epernay – Château-Thierry en sa compagnie.

Il est plutôt facile d’imaginer ce qu’a pu glisser le sous-préfet au fil de conversations passionnées avec le bras droit de Jean-Marie Leblanc. Fou du Tour, Michel Bernard se plaît à croire en un heureux événement en mettant en avant le caractère inédit d’un départ ou d’une arrivée (ou les deux, la tenue de deux étapes en Haute-Marne n’étant pas exclue) en Bragardie. «Saint-Dizier n’a jamais accueilli le Tour, c’est incontestablement un plus», confirme le sous-préfet.

Mais la volonté de mettre le département sous les feux de la rampe fera-t-elle consensus au sein du mouvement sportif et associatif bragard ? Dernièrement, Langres envisageait d’être l’hôte du Tour de France féminin avant que quelques voix ne se fasse entendre, poussant la municipalité à refuser l’offre. Il était bien entendu question de finances.

Fixé par la Société du Tour de France, le coût d’une étape de l’épreuve masculine dépasse les 100 000 euros, cette somme ne prenant pas en compte les moyens humains et matériels impératifs à la bonne marche de pareille entreprise.

Adjoint aux sports de la municipalité bragarde et président de l’Office municipal des sports, Frédéric Garcia ne craint pas une levée de bouclier des acteurs du monde sportif local. «Accueillir le Tour est une animation exceptionnelle qui ne peut en aucun cas entamer le budget alloué aux association sportives, affirme l’élu. Cette volonté d’accueillir le Tour s’inscrit dans le même ordre que le concert de Supertramp organisé cet été à Saint-Dizier. Pour mener à bien une éventuelle organisation, nous aurons besoin des bénévoles des clubs sportifs. Décrocher une étape serait une véritable reconnaissance pour le milieu associatif et le mouvement sportif.»

En octobre prochain, au gré de la décision de la Société du Tour de France, un tremblement de terre d’une violente amplitude pourrait toucher le département. C’est bien tout le mal qu’on lui souhaite…

 

11 juillet – 5ème étape (Soissons – Rouen)

Victoire de l’Estonien Jaan Kirsipuu. Igor Gonzales Galdenao conserve le maillot jaune.

 

12 juillet – 6ème étape (Forges-les-Eaux – Alençon)

Erik Zabel s’impose au sprint. Igor Gonzales Galdenao poursuit sa virée en jaune.

 

13 juillet – 7ème étape (Bagnoles-de-l’Orne – Avranches)

L’Australien Bradley McGee s’impose au sprint. Igor Gonzales Galdenao conserve la première place au classement général.

 

14 juillet – 8ème étape (Saint-Martin-de-Landelles – Plouay)

Le Néerlandais Karsten Kroon prive les Français d’une victoire. Igor Gonzales Galdenao voit la vie en jaune.

Nostalgie, quand tu nous tiens

A l’abri des projecteurs, Jean-Paul Bronchon vit au jour le jour son amour pour la petite reine. Une folle passion qu’il transmet sur les ondes depuis 1962, fidèle au service public. Portrait d’un insoumis adepte des plaisirs bruts.

Plouay. Après des études d’ingénieur électromécanicien, son diplôme en poche, Jean-Paul Bronchon ne pouvait imaginer pareil parcours. Aujourd’hui, après 40 ans de bons et loyaux services, l’homme enchante toujours de sa voix débordante de passion les auditeurs se plaisant à vivre le Tour au rythme des intonations de l’une des dernières grandes voix de la radio.

Fidèle au service public depuis 1962, année de timides débuts à la Radio Télévision Française (RTF) – devenue Office de Radio Télévision Française (ORTF) en 1964, puis Radio France après l’éclatement du jouet d’Alain Peyrefitte en 1974 -, Jean-Paul Bronchon couvre cette année son 37ème Tour de France non sans un brin de nostalgie.

«Maintenant, il y a 21 équipes (soit 189 coureurs), moi j’ai suivi des Tours où il n’y avait que 100 coureurs au départ, tout juste 120 à l’époque de Merckx, se remémore le journaliste. La construction des chaînes hôtelières en périphérie des villes a changé beaucoup de choses. Quand on faisait étape à Bordeaux, en se dirigeant vers nos hôtels, on rencontrait les coureurs au centre-ville, ils faisaient une petite promenade digestive après le dîner. On discutait le coup, on rigolait ensemble. Tout ça a complément disparu parce qu’il y a trop de monde autour des coureurs. Quand on pense que pour neuf coureurs, il faut un camion, un auto-bus, un camping-car, six voitures légères, quatre masseurs, deux directeurs sportifs, parfois deux médecins, un attaché de presse et parfois un psychologue…»

Cette situation, Jean-Paul Bronchon la constate également au sein de sa confrérie, celle des journalistes. Là encore, les raisons sont identiques. «Comme on arrive dans des villes de plus en plus petites et qu’il n’y a pas une grosse infrastructure hôtelière en France, tout le monde est éparpillé, note Jean-Paul Bronchon. Les journalistes, qui sont également de plus en plus nombreux, ont beaucoup moins de contacts que par le passé.»

«Armstrong, le grand patron du peloton»

Quand le gosier se lasse, à marée basse, Jean-Paul Bronchon se remémore «les soirées extrêmement constructives» avec Antoine Blondin, l’homme qui par ses étincelantes chroniques donna ses lettres de noblesse au journalisme sportif, l’auteur du roman “Un singe en hiver” , le copain de virée pour qui boire se signifiait pas se saouler, mais «changer les couleurs de la vie».

La médiatisation, Jean-Paul Bronchon ne l’a jamais cherchée, le journaliste privilégiant la radio et la presse écrite. «Faire de la télévision ? Eventuellement à l’étranger, mais certainement pas en France !» Du Bronchon dans le texte, du Bronchon brut de décoffrage.

En 31 tours à moto, le journaliste a toujours été au contact des coureurs qu’il admire. Les chutes, ses chutes, Jean-Paul Bronchon s’en amuse. «Lors d’un Paris-Roubaix, je suis tombé quatre fois, se remémore le journaliste. Mais comme je dis souvent, celui qui n’a rien envie de faire peut aller au ministère de la Guerre, là-bas, ils n’ont rien à faire.»

La passion l’emporte toujours, le Tour a toujours son pesant de surprises. «Cette année, on a découvert un coureur comme Bertogliati, un chic type, tout jeune, avec une bonne bouille et qui s’exprime remarquablement en quatre langues, commente Jean-Paul Bronchon. C’est bien de tomber sur un coureur comme ça, c’est la nouvelle génération !» Bien sûr, Lance Armstrong, «le grand patron du peloton, désormais plus humain» est quasiment assuré d’empocher une quatrième victoire. «Il est de la même trempe que Merckx, c’est un gagneur, souligne Jean-Paul Bronchon. Les grands champions veulent être les meilleurs dans tout ce qu’ils font. Hinault, dans sa ferme, il veut toujours être au top, il veut la meilleure vache, le meilleur lait possible».

Jusqu’au 28 juillet, Jean-Paul Bronchon transmettra son amour pour la folle saga de juillet. La retraite ? Cette force de la nature est loin d’y penser. La jour où la flamme s’éteindra, où la roue s’arrêtera de tourner, pour Bronchon, intarissable courtisan de la petite reine, la vie n’aura certainement plus beaucoup de sens.

 

15 juillet – 9ème étape (Lanester – Lorient)

Le Colombien Santiago Botero devance Lance Armstrong lors de ce contre-la-montre individuel. Igor Gonzales Galdenao trône toujours en tête au classement général.

 

17 juillet – 10ème étape (Bazas – Pau)

Le Français Patrice Halgand s’impose au terme d’une étape endeuillée par le décès d’un enfant de sept ans fauché par un véhicule de la caravane publicitaire. Igor Gonzales Galdenao conserve le maillot jaune.

 

18 juillet – 11ème étape (Pau – La Mongie)

Lance Arsmtrong s’impose et prend la tête du classement général.

Histoire d’un coup de Jaja

Laurent Jalabert, l’homme au 136 victoires, deux jours après l’annonce de sa future retraite, s’est livré corps et âme, à l’occasion de la première étape pyrénéenne. Soutenu par un public totalement acquis à sa cause, Jaja a presque fait oublier Armstrong. Au sommet, malgré un cruel dénouement, il y avait de la joie dans les bistrots.

La Mongie. Mon collègue Bourrières et moi apprécions tout particulièrement refaire l’étape, en soirée, le long du zinc du café des Sports du coin, au contact d’amoureux du Tour à la coudée franche. Il fleurait bon la convivialité, à La Mongie, dans la chaleur pyrénéenne.

«Allez patron, deux ordinaires pour nos amis “gratte-papier”. Bon dieu les jeunes, ne soyez pas timides, on n’est pas au Vatican ici. Vous venez d’où les gars ?»

«De Haute-Marne».

«Mais c’est le trou du cul du monde !»

«Messieurs, notre terre est celle du Grand Charles, un peu de respect s’il vous plaît. Parlons plutôt du Tour, de l’étape… Parlons de Jaja !»

Le chant des partisans n’aura pas tardé à retentir. «51 je t’aime (le numéro de Laurent Jalabert sur ce Tour, numéro commun à une célèbre boisson anisée), Jaja je t’adore», l’hymne, entonné en cœur, ne fait que rendre hommage à l’un des plus émérites coureurs français, un mec bien, simple, un gars de la France d’en bas.

Grisé par une caravane de tournées, Paul a légèrement somnolé au cours de l’étape. En bref, dans son crâne, c’est le grand cirque. «Le vélo, ce n’est pas mon truc, je préfère soutenir les viticulteurs. Je sais juste que Jalabert sera bientôt retraité, comme moi ! Demain, j’aurai la flemme de lire le canard. Allez les gars, racontez moi Jaja, les yeux dans les yeux.» Engagé dans une passionnante conversation avec Jean Gachassin, mythique demi-d’ouverture de l’équipe de France de rugby et actuel vice-président de la Fédération française de tennis, mon collègue à bien d’autres chats à fouetter. Alors je m’exécute…

Une bien belle histoire…

«Tout d’abord Paul, il faut que tu saches qu’en quatorze saisons passées dans le milieu professionnel, Laurent Jalabert, originaire du Tarn, a notamment été Champion du Monde du contre-la-montre en 1997, vainqueur du Tour d’Espagne cette même année, Champion de France en 1998 et vainqueur de quatre étapes du Tour de France. De 1995 à 1998, il a été N°1 mondial. C’est aussi l’homme du 14 juillet. Il a gagné le jour de la fête nationale en 1995, à Mende et l’année dernière à Verdun !»

«Mon grand-père est mort là-bas !»

«Comme bien trop Paul».

«C’est pas un blaireau ce Jalabert, mais pourquoi tout le monde le fête au comptoir ?»

«Aujourd’hui, il a encore un peu plus conquis le peuple français et fait oublier Richard Virenque, peu en verve sur les pentes qu’il affectionne tant. Jalabert est le chouchou du public français. Aujourd’hui, il a en quelque sorte livré un baroud d’honneur.»

«C’était un peu son jubilé…»

«Tu as trouvé le mot Paul !»

«Et alors, ça s’est passé comment pour lui ?»

«Jalabert est passé à l’attaque bien avant le col d’Aubisque, surprenant ainsi tout son monde. Collé à sa scelle, le regard hagard, un peu comme le tien, il a été généreux dans l’effort et plein d’audace en entraînant dans une folle échappée Etxebarria et Cuesta dès l’entame de l’étape. Lâchés, les deux Espagnols ont regardé s’envoler leur doyen. Explosif, Laurent Jalabert a compté 3′ 49 » d’avance sur ses poursuivants dans l’ascension du col de l’Aubisque avant d’atteindre, toujours en tête, le sommet où trône une stèle érigée en l’honneur de Jacques Goddet, le fondateur de L’Equipe. Jalabert a valé ce col que tu connais mieux que moi comme tu siffles un verre de blanc. La socquette légère, ça veut dire en forme, il a poursuivi son effort pour compter 3′ 15 » d’avance à 20 kilomètres de l’arrivée ?»

«Et alors ?»

«Du calme Paul, on se rapproche du dénouement».

«C’est que j’ai la gorge sèche…»

…Pour une triste fin

«A cet instant précis, toit comme moi, même si tu cuvais, nous pouvions penser que le peloton laisserait Jalabert s’envoler vers une cinquième victoire d’étape dans le Tour afin de marquer sa dernière histoire d’amour avec le Tour. Mais Laurent Lefèvre, un jeune aux dents longues, n’a pas eu beaucoup de respect pour son illustre aîné en faisant accélérer le peloton. Je peux te dire qu’en salle de presse, nombreux ont été ceux à huer Lefèvre !»

«Pauvre Lefèvre, les jeunes ne respectent rien !»

«Sur ce coup là, tu n’as pas tort Paul ! En partant à la chasse au dinosaure, Lefèvre a entraîné dans son sillage une partie du peloton et notamment les coéquipiers de Lance Armstrong.»

«Celui qui vient de la lune ?»

«Tout à fait Paul, celui qui vient de la lune, pas le trompettiste. Son lieutenant, Roberto Heras et Joseba Beloki, un Espagnol de la Once, ont escorté l’homme aux trois Tours. A moins de quatre kilomètres de l’arrivée, ce redoutable trio a refait son retard sur Laurent Jalabert. Ce qui suit est trop cruel de vérité. Je ne préfère pas te le raconter, je préfère oublier…»

«Pourquoi, il n’a pas gagné Jalabert ?»

«Non Paul, Jaja s’est fait dépasser pour finalement échouer à la neuvième place, à deux pas de ce bistrot, à 1′ 49 » de Lance Arsmtrong, le vainqueur de l’étape.»

«Vive Jalabert ! Allez patron, on remet ça en l’honneur de Jaja !»

«Sans nous Paul ! Demain, fais l’effort de regarder la télé, Jalabert pourrait bien remettre ça !»

 

19 juillet – 12ème étape (Lannemezan – Plateau-de-Beille)

Victoire de Lance Armstrong. L’Américain règne sur ce Tour 2002.

Mister Jalabert, Docteur Armstrong

Après avoir tapé du poing sur la table à La Mongie, Lance Armstrong a porté le coup de grâce en s’envolant vers une cinglante victoire au sommet du Plateau-de-Beille. Mais cette étape restera à jamais marquée par l’époustouflante échappée de plus de 130 kilomètres de Laurent Jalabert. Chapeau bas Mister Jalabert !

Plateau-de-Beille. En deux étape pyrénéennes, Laurent Jalabert, idole de la France du Tour, est entré dans la légende de la folle saga de juillet. Après avoir pris la poudre d’escampette en direction de La Mongie, Jaja, égale à lui-même, a remis le couvert lors d’une étape à jamais gravée dans les mémoires. Durant plus de 130 kilomètres, le Mazométain a enflammé les Pyrénées et offert un éblouissant moment de sport avant de tomber sous les coups de butoir de l’US Postal et de l’automate Lance Armstrong, cruel de facilité, un homme de la trempe du redoutable Eddy Merckw, l’homme qui, jadis, vu la vie en jaune 96 jours durant.

Parti dans le col de Mente (1 349 m) à la poursuite de Christophe Oriol, Laurent Jalabert, suivi par un groupe comprenant notamment Patrice Halgand et Richard Virenque, a entamé son festival. Sur le pont, le pré-retraité passait en tête le col du Portet d’Aspet suivi du Suisse Laurent Dufaux et de l’Espagnol Isidro Mozal. Les trois hommes se rejoignaient dans la descente vers Saint-Lary. A ce stade de l’étape, le trio comptait 1′ 22 » d’avance sur un groupe de poursuivants (Martinez, Virenque, Oriol…) et 2′ 42 » sur une peloton mené par les membres de l’US Postal. Malgré l’attitude honteuse de Manolo Sainz, le directeur sportif de la Once demandant à Nozal de ne pas assurer les relais, l’écart dont profitait les échappés s’accroissait à l’entame du col de la Core (1 395 m) pour atteindre un pic à 5′ 40 ».

Bis repetita

Inquiets, Lance Armstrong et ses émérites lieutenants mettaient le paquet afin de faire fondre l’avance de Laurent Jalabert, qui, en plus d’être assuré de revêtir le maillot de meilleur grimpeur, était à deux doigt d’être virtuellement maillot jaune. Toujours aussi inspiré, Manolo Saiz, certainement toujours indisposé par la discorde l’opposant à Laurent Jalabert lorsque ce dernier portait les couleurs de la Once, ordonnait à ses hommes de soutenir l’initiative des postiers américains.

Cette réaction était fatale au groupe de poursuivants, rapidement rejoint par la meute hurlante. Laurent Jalabert et ses acolytes perdaient irrémédiablement de précieuses secondes au fil des kilomètres. A 13 kilomètres de l’arrivée, comptant seulement 1′ 50 » d’avance sur un peloton étiré, Laurent Jalabert décidait d’abattre sa dernière carte en faussant compagnie à Dufaux et Nozal. Porté par un public littéralement acquis à sa cause, Jaja savait que ce coup de poker serait salutaire. En seulement trois kilomètres, le leader de la formation CSC Tiscali perdait 1′ 20 ». Mené par José Louis Rubiera, Lance Armstrong avait dans son viseur le héros d’une étape ô combien relevée. L’heure de la belle aventure de Jaja avait sonné.

Le “panda” s’était certes pris un coup de bambou, mais Laurent Jalabert était désormais quasiment assuré de porter le maillot à pois jusqu’à Paris. Une fois dépassé, en touriste, Jalabert pouvait honorer son public et savouré les marques de respect et sympathie de nombreux coureurs. Cette fin d’étape tranquille annonce des lendemains tout aussi lumineux.

Armstrong passe la seconde

Comme à La Mongie, Lance Armstrong prenait les choses en main à l’approche de l’arrivée. Accompagné de Joseba Beloki et son compère Roberto Heras, le triple vainqueur du Tour de France se dirigeait vers sa troisième victoire dans ce Tour 2002. Mais pour l’Américain, les choses ne vont jamais assez vite. Donnant plus de 110 coups de pédales à la minute, la tunique jaune sonnait la charge et adressait un chaleureux “good bye” à Heras et Beloki. A cinq kilomètres du final, tel un moulin à café, Lance Armstrong torréfiait les grains du sablier. Le phénomène d’Outre-Atlantique passait de 13 » d’avance sur Heras et Beloki au 194ème kilomètre à 45 » à deux kilomètres de l’arrivée. Au sommet du plateau de Beille, Lance Armstrong levait les bras. Preuve de la force de l’US Postal, Roberto Heras règlait Joseba Beloki dans les ultimes mètres, offrant ainsi un doublé à la formation menée de main de maître par Johan Bruyneel.

Après avoir frappé du poing sur la table, le grand favori de la Grande boucle a infligé un véritable coup de grâce à ses principaux adversaires désormais réduits à enchaîner une succession d’improbables exploits dans les étapes alpestres.

 

20 juillet – 13ème étape (Lavelanet – Béziers)

Victoire de David Millar. Lance Armstrong conserve la tête au classement général.

 

21 juillet – 14ème étape (Lodève – Le Mont-Ventoux)

Richard Virenque signe l’une des plus belles victoires de sa carrière. Lance Arsmtrong devance Joseba Beloki de 4′ 21 » au classement général.

 

23 juillet – 15ème étape (Vaison-la-Romaine – Les-Deux-Alpes)

Victoire du Colombien Santiago Botero. Lance Armstrong parade en tête sous les sifflets de nombreux spectateurs.

 

24 juillet – 16ème étape (Les Deux-Alpes – La Plagne)

Victoire du Néerlandais Michael Boogerd. Lance Armstrong compte 5′ 06 » d’avance sur Joseba Beloki.

 

25 juillet – 17ème étape (Aime – Cluses)

L’Italien Dario Frigo frigorifie ses adversaires. Lance Armstrong attend son sâcre.

 

26 juillet – 18ème étape (Cluses – Bourg-en-Bresse)

Le Norvégien Thor Hushovd s’impose au sprint devant le Lorrain Christophe Mengin. Lance Armstrong voit la vie en jaune.

 

27 juillet – 19ème étape (Régnié-Durette – Mâcon)

Lance Armstrong survole le contre-la-montre individuel et relègue Joseba Beloki à 7′ 17 ».

 

28 juillet – 20ème étape (Melun – Paris)

Victoire de l’Australien Robbie McEwen sur les Champs-Elysées. Lance Armstrong remporte son quatrième Tour de France.

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