Tétanisation – L’édito de Patrice Chabanet
En communication, ce n’est pas l’intention de celui qui émet un message qui importe, mais la perception qu’en a le destinataire. En l’espace de quelques jours, le gouvernement vient de s’en apercevoir à ses dépens. Il explique le démarrage plus que poussif de la vaccination par un souci de prudence (ne pas confondre vitesse et précipitation). Prosaïquement, et sans employer les grands mots, il s’agit d’un sacré retard à l’allumage et il est perçu comme tel. De la même manière, il a fallu attendre trois jours pour mettre fin à cette incroyable rave-party de Lieuron. Là encore, la lenteur de la réaction est mise sur le compte des risques d’une intervention musclée des gendarmes. Une reculade de plus face à l’adversité.
Si l’exécutif en est arrivé là, ce n’est pas par manque de clairvoyance. Il est bien conscient qu’à l’ère des réseaux sociaux et des chaînes d’info en continu, toute reculade fera des dégâts dans l’opinion publique. En fait, il est tétanisé, harcelé par les oppositions politiques et par les risques liés à toute politique volontariste. Que dira-t-on si des effets secondaires majeurs se produisent dans la campagne de vaccination ? Que dira-t-on encore si l’évacuation de la rave-party donne lieu à des scènes de violence, au moment où les forces de l’ordre sont parfois accusées d’avoir la main leste ?
Mieux vaut tard que jamais : le gouvernement donne enfin un coup d’accélérateur dans le processus de vaccination, accréditant la thèse qu’il avait fait fausse route en privilégiant la marche de la tortue. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, nous promet que la France rattrapera son retard d’ici à quelques semaines. On aimerait le croire, mais lui sera-t-il possible de faire bouger la haute administration, figée dans ses schémas du XXe siècle ? Là est la question. La pandémie aura eu au moins le mérite de nous le faire percevoir. Quand l’heure des comptes sera venue – pas celle des micro-trottoirs – il deviendra urgent de revisiter la fameuse exception française.