Témoignage : l’impasse dans lesquels se trouvent de nombreuses fermes
Dans les exploitations agricoles du département, le moral est au plus bas avec la sensation que la situation actuelle ne pourra plus jamais s’améliorer. Jean-Pierre et Hervé Lavenarde sont de ceux qui s’interrogent. Ils sont (hélas) très représentatifs.
Aussi vertueux et fantastique soit la mise en place de station gaz Bio GNV par l’incroyable Philippe Collin (le JHM de samedi dernier), cet arbre vert ne doit pas cacher la forêt. Ce système n’est pas transposable à l’infini et ne peut pas être la solution à tout. Même l’installation de nouveaux méthaniseurs est en train de s’éteindre et semble plus une issue.
Or, les exploitants agricoles haut-marnais dits “traditionnels” ne vont pas bien. Ils ont l’âme grise. Ils sont usés et fatigués. Le problème n’est plus conjoncturel avec, par exemple, des sécheresses à répétition mais bien structurel. Les frères Lavenarde, Hervé et Jean-Pierre, en témoignent. Avec Benjamin, ils sont exploitants au sein du Gaec du Radar, à la ferme de Guillaumont (Montreuil-sur-Thonnance). Installés en 1985, ils cultivent 296 ha avec une référence laitière de 700 000 litres et la production de céréales. Les 200 ha alternent entre du blé, orges d’hiver et de printemps, pois et colza.
Et justement, cette culture de colza qui est devenue impossible en Haute-Marne faute de traitements autorisés sur la grosse altise illustre les incertitudes des agriculteurs face à l’avenir. Avec le retard de levée du fait de la sécheresse, les frères se demandent s’il faut désherber et emmener la culture jusqu’au bout. Ils se demandent si elle va passer l’hiver. En tout cas, ils sont certains d’une chose : « bientôt, en Haute-Marne, il n’y aura plus de champs aux couleurs jaunes au printemps ». Quid de la filière et de l’autonomie de la France en colza ?
Ce phénomène est dû aux problèmes climatiques actuels avec de longues périodes de pluies après les sécheresses automnales, printanières et estivales. Comment, dans ces conditions, mener à terme des cultures ?
Frais contre valeur de vente
Jean-Pierre Lavenarde enchaîne sur le principal problème des exploitants haut-marnais : « les frais de culture qui ne cessent d’augmenter face à des valeurs de vente que les agriculteurs ne maîtrisent pas ». Autrement dit, le coût pour produire grimpe alors que les prix stagnent depuis 40 ans. Or, comme le dit l’agriculteur, « les coûts de production ont été comprimés au maximum et les marges de manœuvre sont devenues inexistantes. La rentabilité est nulle ». Sur leur ferme, pour aller dans ce sens, ils ont mis en place une agriculture de conservation sans recours au labour. L’intérêt est également agronomique.
Les membres du Gaec souffrent également de « la pression médiatique et politique » dont fait l’objet l’agriculture. Avec L214, Cash Investigation et la plupart des médias, ils ont l’impression que l’agriculture est toujours présentée à charge. « Ils montrent le pire des pratiques et ne montrent jamais ce qui va bien. Pourtant, les premières sont beaucoup plus rares que les secondes ». Ils poursuivent : « nous avons une bonne carapace et sommes forgés par le métier. Malgré tout, le ras-le-bol est réel d’autant plus que nous n’avons plus de pouvoir électoral. Notre avis ne pèse plus ». Ils donnent en exemple l’esprit coopératif qui s’est délité dans lequel le directeur a désormais plus de pouvoir que le président élu par les adhérents. Ils regrettent que, désormais, seules les considérations économiques comptent et rentrent dans une colère sourde : « rendez-vous compte que Sodiaal, notre coopérative laitière empaquette du liquide à base d’amande douce pour faire tourner ses chaînes de production. C’est se tirer une balle dans le pied. Qu’on nous dise si l’on doit planter des amandiers ».
Frédéric Thévenin
Fin d’un discours
Jean-Pierre Lavenarde revient sur ce discours qui dit que les ménages veulent manger plus sainement et qu’il est urgent de produire plus sainement. Il conteste les deux affirmations. La première car la population ne veut pas se donner les moyens et le temps de manger plus sainement. D’ailleurs, il doute que la France reste le pays de la gastronomie très longtemps du fait d’une qualité nutritive des aliments transformés qui se dégradent sans cesse et qui deviennent immangeables. La seconde car les agriculteurs, en tant que producteurs de matières premières, sont contrôlés comme aucune autre profession. Il pense à la gestion des plastiques, au suivi sanitaire des animaux, à l’utilisation des produits phytosanitaires, aux épandages, à un cahier des charges strictes sur la ration alimentaire des vaches…
En fait, pour Jean-Pierre Lavenarde, le problème de départ est purement économique avec, en corollaire, le choix des ménages. Il ne croit pas, par exemple, à l’expansion à l’infini du bio voulue, soi-disant, par la société. Dans les fermes, produire, transformer et vendre du bio se fait au détriment de la vie de famille à moins de recruter et d’augmenter les prix, mais de ne plus vendre. Et, passer par la grande distribution est condamné les producteurs bio au même sort que les “conventionnels”.
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