Taper fort – L’édito de Patrice Chabanet
Ils étaient 20 000 à Paris, plusieurs milliers en province. La mobilisation contre l’antisémitisme a rassemblé du monde. Mais compte tenu des actes très graves commis contre la communauté juive, on aurait attendu une participation plus massive, plus spectaculaire. Les politiques, parfois critiqués pour leur laxisme et l’instrumentalisation de certaines causes, ont bien compris qu’il fallait monter en ligne pour sortir notre pays du cloaque de la « banalisation du mal », pour reprendre l’expression d’Hannah Arendt. La France est à deux doigts de basculer vers un terrain où les antisémites n’ont plus peur, s’affichent à visage découvert et font de la provocation un vecteur de médiatisation incomparable. Ce n’est certainement pas un hasard si la profanation de 96 tombes juives dans un petit village alsacien, Quatzenheim, s’est passée la veille du rassemblement contre l’antisémitisme. Ses auteurs savaient que le contexte actuel fournirait à leur forfait une caisse de résonance exceptionnelle. Ce point d’orgue d’une semaine sombre comme certaines périodes de notre histoire place la classe politique devant ses responsabilités : cette lente glissade vers la bêtise et la haine doit s’arrêter. Sans délai.
Certes, l’arsenal juridique permet déjà de sévir sans indulgence. Mais, visiblement, cela ne suffit pas. Emmanuel Macron, à qui l’on reproche, souvent à juste titre, d’avoir une vision parisienne de la France, a bien fait de se rendre en Alsace pour soutenir une population locale anéantie par cette profusion de croix gammées. Aujourd’hui, il doit annoncer, devant le CRIF, une série d’«actes» pour mettre fin à cette spirale d’horreurs. En termes concrets, il s’agit de taper très fort, quels que soient les profanateurs, les vociférateurs de propos antisémites ou les barbouilleurs de vitrines. Qu’ils soient inspirés par la nostalgie nazie ou par les discours enflammés d’imams salafistes. La priorité n’est pas d’établir les proportions des courants antisémites. Chaque acte doit être puni. Chaque menace aussi : il n’est pas normal que des familles juives doivent quitter leur quartier pour assurer leur propre survie.