Survivance soviétique – L’édito de Patrice Chabanet
C’est loin, c’est difficile à situer sur une carte : la Biélorussie fait peu parler d’elle. Tout ce qu’on sait, c’est que le pays est dirigé d’une main de fer par Alexandre Loukachenko. Vingt-six ans de dictature. Comme si la disparition de l’URSS n’avait pas modifié quoi que ce soit dans cette ex-République soviétique. Les rituels électoraux sont toujours les mêmes : arrestation des opposants avec les motifs le plus subtils. Mais à force de répéter les mêmes gestes antidémocratiques, la machine de la répression se grippe. Cette fois-ci, l’épouse d’un candidat incarcéré, Svetlana Tikhanovskaïa, a eu le courage de se présenter. Elle n’a réalisé qu’un score de 10% contre 80% pour Loukachenko. Mais cette candidature de témoignage – les pratiques du dictateur rendaient impossibles un vote honnête – a mis en mouvement la société, notamment chez les jeunes.
Chaque jour, des milliers de manifestants demandent la démission du président biélorusse. Mais ce dernier s’accroche avec vigueur. Des centaines de personnes sont arrêtées, d’autres sont matraquées. Rien qui ne laisse prévoir un assouplissement dans la gouvernance de Loukachenko. Il peut compter sur la neutralité bienveillante de Poutine. D’une certaine manière la Biélorussie constitue l’arrière-cour de la Grande Russie. Quant à l’Union européenne, une fois de plus, elle avance en ordre dispersé. Aujourd’hui, les ministres des Affaires étrangères des 27 se réuniront pour envisager d’éventuelles sanctions contre Minsk. Certains plaident pour une attitude ferme, d’autres pour le dialogue. Autant dire que Loukachenko ne risque pas grand-chose. Comme d’habitude, il laissera passer l’orage. Sauf que cette fois-ci le peuple est bien décidé à faire entendre sa voix de manière pacifique, certes, mais en continu. L’Europe ne pourra pas éternellement faire la sourde oreille.