Sur le gril – L’édito de Patrice Chabanet
Les auditions devant les commissions du Congrès américain
n’ont rien des conversations de salon. Mark Zuckerberg, le
PDG de Facebook, en a fait la douloureuse expérience. Le
fringant génie des nouvelles technologies a été souvent mis en
difficulté dans l’affaire du détournement de données personnelles.
Chaque parlementaire n’avait droit qu’à cinq minutes pour poser
ses questions qui, elles-mêmes, n’autorisaient que des réponses
par oui ou par non. Aucune digression possible pour Zuckerberg,
aucun moyen de noyer le poisson dans l’eau. Nombreuses ont été
ses hésitations : «Je ne sais pas», «Je pourrai vous apporter des
précisions plus tard». Très long aussi le chapelet des regrets, ce qui
a conforté les parlementaires américains dans la conviction que le
scandale Cambridge Analytica n’était qu’un énième avatar, plus
spectaculaire mais dans l’ordre des choses.
Le plus inquiétant dans la prestation de Mark Zuckerberg est qu’il
donne l’impression d’avoir les plus grandes difficultés à contrôler
sa propre créature, Facebook. Il ne donne pas d’indication précise
sur les moyens d’arrêter l’hémorragie de données personnelles
figurant sur sa plate-forme. Il reste même flou sur la propriété
réelle de ces données : est-ce l’utilisateur qui les fournit en toute
confiance ou est-ce le site qui les héberge et qui, accessoirement,
les vend ?
A quelque chose malheur est bon. L’ampleur de l’affaire permet
de mettre sur la table les aspects peu reluisants de technologies
révolutionnaires. Il ne s’agit pas de jeter le bébé d’Internet avec
l’eau du bain des turpitudes de certains opérateurs. La priorité
est à un sérieux nettoyage de pratiques inavouables. On pense,
par exemple, à toute cette hystérie extrémiste qui coule dans les
veines des réseaux sociaux. Les parlementaires d’outre-Atlantique
ont fait référence, hier, aux dispositifs de contrôle qui se mettent
en place en Europe. Comme pour avouer que la déréglementation
à l’américaine s’était trop reposée sur l’auto-réglementation molle
de Facebook.