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Sur le banc des accusés – L’édito de Christophe Bonnefoy

Il y avait deux justices hier. Celle qui avait décidé de poser la robe contre le projet de réforme du gouvernement. Et celle, très médiatique, qui ne pouvait pas se permettre d’échapper aux caméras. Forcément, elle avait à traiter du cas de la famille Hallyday… Entre trust à l’américaine et testament à la française, entre partage de gros sous et album posthume qui pourrait en rapporter pas mal, le malaise des magistrats, greffiers et avocats ne s’est pas vraiment manifesté hier devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Partout ailleurs en France, si.
Plus sérieusement, la colère des personnels judiciaires n’a rien à voir avec la chronique people des journaux très, très grand public. Elle révèle une profonde inquiétude, en son sein, sur les outils qu’on lui alloue pour juger équitablement. Et par conséquent vise à tirer la sonnette d’alarme au nom des justiciables, qu’ils aient à être jugés ou défendus. L’idée : conserver un système qui s’appuie sur les Codes en vigueur, évidemment, mais en continuant toutefois à placer le justiciable au centre des débats. La justice, dans son sens le plus large : stricte quand cela est nécessaire, mais juste. Et humaine.
Selon ces professionnels, la réforme que devrait présenter la garde des Sceaux le 18 avril va dans la direction opposée : déshumanisation, régression des droits de la défense, fin de cette justice de proximité à même de s’adapter au terrain local, notamment. Ni plus ni moins qu’une sorte de privatisation qui, ils osent l’expression, annonce «la mort de la justice, au terme d’une longue maladie».
Une sphère judiciaire pourtant – et paradoxalement – de plus en plus éprouvée parce que de plus en plus mise à contribution. Et qui réclame plus de moyens quand elle a l’impression qu’à l’inverse, on l’étouffe. D’une certaine manière, la ministre Nicole Belloubet se retrouve là sur le banc des accusés.

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