Stan, la liberté de mendier
PORTRAIT. Depuis quatre mois, Stéphane, surnommé Stan, fait la manche dans les rues de Saint-Dizier. Qu’importe le temps, il est là, souvent installé à l’entrée de la rue Gambetta, côté mairie. Il a la rue chevillée au corps, et la liberté comme mantra.
Il pleut, lundi 30 janvier. Pas de grosse averse, juste une petite bruine persistante, suffisante pour tremper quiconque reste dans la rue plus d’un quart d’heure. Pourtant, Stéphane – dit Stan – est là, comme presque tous les jours. Assis sur un tapis, un pot de café faisant office de tirelire, il sourit. Une dame s’arrête : « Je ne vais pas vous donner tout mon stock, mais j’ai ça pour vous. » Deux pièces et quelques mots échangés plus tard, elle repart. « Il me manque 10 €, et je pourrais rentrer, avec ce temps, on est mieux au chaud », s’illumine Stan.
La manche pour seule addiction
La rue, le bientôt quarantenaire la connaît par cœur. « La première fois, j’avais 18 ans et demi, et ça a duré jusqu’à mes 21 ans », se souvient-il. Nous étions au début des années 2000, et Stan ne commençait alors qu’à rouler sa bosse dans une vie cabossée. Il a depuis alterné entre la rue, des hébergements précaires, mais aussi des appartements tout ce qu’il y a de plus lambda. « Dans un appartement, je me sens écroué », confie celui qui, punk, met la liberté sur un piédestal.
« Je me sens mieux dans la rue. Quand tu as un appart, le 4 du mois tu ne dors pas, parce qu’il faut que tu penses au loyer, à l’EDF… Tu fais des cauchemars », lance-t-il. L’été, Stan descend dans le Gers, pour faire des saisons. Il récolte des ails, des oignons ou encore des pruneaux, et occupe une caravane où il a « l’impression d’être libre, au milieu des champs de tournesols ». Et puis, quand vient l’automne, synonyme de champs vides, il retourne en Haute-Marne.
« Faire la manche, c’est comme une addiction, parce que tu as de l’argent tous les jours, même si ce n’est que 5 € », concède-t-il le regard candide. Parce qu’en effet, pour lui, difficile de ne pas faire la manche. Même quand il parvient à toucher un maigre salaire, la rue finit toujours par l’appeler. D’aucuns y verraient un cercle vicieux. Stan, père de trois enfants « tous placés », et optimiste devant l’éternel, y voit un moyen de s’épanouir et de léguer le peu qu’il pourra réunir à sa descendance.
Le froid et l’ignorance
Hébergé par Relais 52, il a quelques griefs contre la structure. « On partage une chambre d’à peine 20m2, et les repas, c’est vraiment n’importe quoi », certifie-t-il, avant de reconnaître que « des fois, quand même, on mange bien ». Il débourse 287 € par mois, mais admet que l’association se montre compréhensive si quelqu’un n’arrive pas à réunir cette somme. « Ce n’est pas trop mal, mais il faut revoir l’organisation, surtout au niveau des tâches ménagères… », soupire Stan. Il souligne tout de même que sa demande pour une chambre individuelle a été entendue.
À Saint-Dizier, Stan cherche un boulot, pour l’instant en vain. Heureusement, « les Bragards sont assez solidaires même si beaucoup de gens ont encore des préjugés sur les personnes qui font la manche ». Le froid est aussi difficile à gérer. Le regard de Stan s’assombrit, quand on évoque le sujet. « C’est pas évident… Même avec quatre paires de chaussettes, je me gèle. » C’est dans le regard des passants qu’il trouve une certaine chaleur. Un bonjour, c’est parfois assez. Stan remballe ses affaires, il a un rendez-vous. Toujours, il sourit.
Dorian Lacour