Spectacle d’hypnose : bluffant, déroutant… et déridant
Parvenir à faire dormir des personnes inconnues, c’est l’idée que de nombreux spectateurs avaient de l’hypnose en rejoignant la salle des fêtes de Châteauvillain, samedi 9 décembre. Hervé Barbereau s’y produisait. Et au bénéfice du Téléthon.
« C’est ma chaise ! ». La demoiselle sur l’estrade est rudement en colère. Un autre spectateur, convoqué lui aussi par Hervé Barbereau se résout sans difficulté à la lui rendre, en rejoignant la sienne, piteux. C’est que la jeune fille est tout simplement « la momie ». Depuis que l’hypnotiseur l’a endormie, elle s’est certes réveillée – quand il le lui a demandé. Reste que, dans ses yeux, flotte une atmosphère… débranchée : la spectatrice paraît s’être éloignée d’elle-même. Au demeurant, elle évolue bras raides comme la justice droits devant elle, posture qui ne lui serait jamais venue à l’esprit avant de monter sur scène. Sa démarche, également, tient de celle d’un robot.
Ils se réchauffent dans une caverne
« Dans cette caverne, il fait froid, froid… Vous avez envie de faire du feu ». Dans une scénographie qui fait défiler le temps, Hervé ouvre le chapitre de la préhistoire. Les personnes qu’il a priées de venir le rejoindre, qui, pour la grande majorité, ont sombré dans le sommeil à sa demande – et illico presto -, sont, elles aussi, apparemment réveillées. Il y a toutefois un voile qui prête de l’étrangeté à leur regard. Et les voilà toutes en même temps à frotter frénétiquement deux baguettes en bois ou deux silex dans leurs mains, pour allumer du feu, espérant faire remonter la température de leur habitat sommaire. Ils sont pourtant sur scène, dans la salle des fêtes de Châteauvillain, en 2023… Autant de « détails’ qui leur échappent complètement. « Votre vaisseau spatial se pose. Ôtez votre harnais, vous êtes sur la lune, visitez tout de même… ». Notre cohorte de spectateurs lève lentement les genoux et une marche de cosmonautes s’enclenche. Après tout, ils viennent bien de piloter un char romain, en serrant les virages.
Elle secoue le voleur de sa barbe
« Vous êtes la femme à barbe, n’est-ce pas ? ». Et comment, réplique à Hervé Barbereau une spectatrice sur l’estrade. L’hypnotiseur lui fait part de sa surprise : sa barbe précisément, eh bien elle a disparu, on la lui a forcément volée. Le courroux emporte la « femme à barbe »… qui n’en a donc plus, Hervé vient de le lui apprendre. Il lui suggère un voleur potentiel, dans la salle… Ça ne peut être que lui : n’a-t-il pas… une barbe ? Et où aurait-il bien pu la trouver, sinon en dépouillant celle qui s’en retrouve privée ? Hervé suggère toute l’injustice qui est faite à la victime, et l’invite à aller secouer le malotru. Et voilà « la femme à barbe » qui fonce dans la salle des fêtes pour tempêter après celui-ci, en lui secouant un peu la tête, non mais, n’a-t-il pas honte ? Avant de retourner auprès d’Hervé, sur l’estrade.
« Quelle heure est-il ? »
« Quelle heure est-il ? ». Les « expérimentateurs » de l’hypnose sont priés par Hervé d’aller se renseigner, toujours dans la salle des fêtes de Châteauvillain. Leur regard semble toujours décollé de leur pensée. Ils demandent l’heure, à tous. L’hypnotiseur leur dit de recommencer, on ne sait jamais, l’heure, ça change… et les voilà à requestionner les mêmes spectateurs. Après tout, ils viennent bien de se montrer sous leur plus beau jour en gonflant le torse pour les garçons, en prenant des poses avenantes pour les filles…
Hypnose et hypnose
Explosion continue de rires, mêlés de stupéfaction dans la salle des fêtes, il n’y a pas de pause, il en est dont les zygomatiques sont douloureux. Hervé ouvre cette fois un chapitre d’un tout autre genre, c’est une forme de mise en garde. L’hypnose n’est pas toujours servie par des hypnotiseurs bien intentionnés, et le voilà à démontrer qu’il peut récupérer un numéro de carte bancaire avec une infinie douceur… On comprend alors que l’hypnose peut nous extraire de la réalité -quand elle nous inflige de la souffrance – et c’est alors tant mieux ; mais qu’il faut savoir que la technique peut mal tourner et se transformer en manipulation mentale.
« On était à fond dans notre truc »
« On entendait les rires de la salle, mais on était à fond dans notre truc ». À la sortie de la représentation d’Hervé Barbereau, les « expérimentateurs » n’arrivaient pas à s’expliquer ce qui leur était arrivé -et pendant deux heures… « On se sent détendus », ça, ils en étaient unanimement sûrs. Soirée drôle, dans toutes les acceptions du terme.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr