Sortie de route – L’édito de Christophe Bonnefoy
L’époque est à la petite phrase. On pourrait presque dire au bon mot – plus ou moins bon d’ailleurs – qui va invariablement alimenter les réseaux sociaux. Ne dit-on pas que l’essentiel n’est pas qu’on parle de vous en bien ou en mal… mais qu’on parle de vous, tout simplement. Les politiques se sont ainsi fait une spécialité de ces propos lâchés sans en avoir l’air. Qui donnent l’illusion de la spontanéité, alors qu’ils ont été pensés en amont. Rien de grave la plupart du temps.
Mais quand c’est le haut représentant d’une religion, quelle qu’elle soit, qui se laisse aller à ce qu’il faut bien qualifier de dérapage, c’est beaucoup plus embêtant. En l’occurrence, le pape François a oublié de tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler d’avortement, hier. «Se débarrasser d’un être humain, c’est comme avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème». Il a évidemment le droit de le penser. Mais sûrement pas le droit moral de le dire. En tout cas pas de cette manière. La position de l’Eglise sur le sujet est connue. A elle de choisir si elle doit évoluer ou rester ancrée dans ses convictions. Chacun aura son avis, fidèle ou pas.
En France bien évidemment, la sortie de route du pape ne peut pas ne pas faire réagir. L’avortement y est légalisé depuis 1974, grâce à loi Veil. Il est passé dans les mœurs même si, forcément, il peut encore faire débat.
Plus embêtant est en revanche le contexte dans lequel le pape s’est épanché sur la question. Alors que l’Eglise est engluée dans des affaires de pédophilie, difficile de comprendre qu’elle puisse se laisser aller à donner ce genre de leçons de morale.