Six cardinaux pour un vicaire* : les racines haut-marnaises de l’Abbé Pierre
En 1595, par décision royale d’Henri IV, la famille Capizucchi, illustre lignée solidaire des batailles de François 1er et originaire de Bologne, en Italie, devient française. On appelle ça les « lettres royales de naturalité ». La famille est fixée en Haute-Marne depuis 1556, depuis Jules de Capizucchi nommé gouverneur de Nogent. En 1912, apparaît dans cette généalogie désormais italo-haut-marnaise un nom, Henri Grouès, qui deviendra vicaire. Puis maquisard, puis député, puis icône de la lutte contre la misère, alias l’Abbé Pierre.
François 1er aime l’Italie autant qu’il aime la France. Les guerres entre les deux pays se multiplient, le roi, pour sa part, ne combat que pour y mettre fin et cultiver l’esprit de la Renaissance, qu’il vénère. Il se fait des alliés en faveur de la paix, dont la dynastie Capizucchi, soldats ou religieux proches du pouvoir et du Vatican, qu’il accueille in fine en France en charge des plus hautes responsabilités. Claude de Lorraine fut un des bras armés de François 1er sur le territoire italien, d’où sans doute l’inspiration architecturale de ce qui deviendra « Le château du Grand Jardin ».
Le premier arrivé sur le territoire haut-marnais est Jules de Capizucchi, nommé Gouverneur de Nogent, qui acquiert des propriétés à Bonnecourt, Thivet, Poinson Andilly ou encore Ecot-la-Combe, pour le développement des forges. La famille s’implante et s’impose. En 1735, en bon descendant, Camille Antoine de Capizucchi hérite des forges d’Eco-la-Combe. Son premier fils, Charles, se fera décapiter place de la Concorde en 1794 en clamant « Mon âme à Dieu, mon cœur au Roy, et mon cul, à la République ! ». Le cadet, né en 1724, Jean Honoré de Capizucchi, mort prématurément en 1752, aura un fils. C’est ce dernier qui fixe les origines haut-marnaises de l’Abbé.
Lignée féminine
Après quoi, pendant un temps, ne naissent que des filles. Le nom Capizucchi se dissout dans des épousailles. En 1800, une Capizucchi de Bologne épouse un Cogordan, naît une fille Cogordan qui épousera un Grouès en 1825 etc, etc, et vient Henri Grouès en 1912. L’Abbé Pierre, croix de bois croix de fer.
Une illustre famille italienne, proche des Papes et des rois, dénombrant six cardinaux et trois évêques, aura légué à notre patrimoine un jeune homme frappé de pleurésie, qui le freine dans l’escalade de ses échelons religieux. Pourtant, dans la grande Histoire, il éclipsera totalement ses illustres ancêtres. Emmaüs, baptisé ainsi en souvenir du village de Palestine où Jésus, selon les textes, est réapparu à ses apôtres, est devenu lieu où les désespérés retrouvent espoir. Emmaüs est devenu un humble empire laïc, sorti de la tête de bois d’un chiffonnier aussi vindicatif que son ancêtre sur l’échafaud, et un peu haut-marnais. Mon âme à Dieu, mon cœur aux démunis, mon cul à la pauvreté ? La boucle est bouclée.
« Etonnant, non ? », disait Desproges.
Elise Sylvestre
e.sylvestre@jhm.fr
Avec l’accompagnement précieux de Sylvain Rose et autres généalogistes
Un Vicaire ?
Celui qui exerce en second les fonctions attachées à un office ecclésiastique.
Au cinéma : L’Abbé Pierre, une vie de combats
Réalisé par Frédéric Tellier, avec Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz
Actuellement au CinéQuai