Secteur Covid : « Soigner, notre mission »
Attention, modestie non feinte : « On n’est pas des héros » : derrière son masque, le Dr Gerboud plante le décor. « On fait notre métier. On sait isoler un patient infecté. La différence, là, c’est qu’ils le sont tous ». Il a donc fallu très vite modifier, chambouler le fonctionnement du service, les habitudes de chacun. On songe immédiatement aux protections individuelles : on entre là comme on entre dans les ordres ; on suit un rituel. La combinaison intégrale, les surchaussures, la charlotte, le masque, les lunettes, etc.
L’armure est posée. On se croit fort. On n’est rien. L’essentiel réside dans les gestes, dans ce que l’on touche. Ou pas. Et comment.
L’essentiel est dans ces fioles de gel hydroalcoolique, omniprésentes. Chacun, ici, quelle que soit sa fonction, sacrifiera 200 fois par jour – les petites journées – au rite du lavement des mains.
Et surtout,
le patient ne voit
jamais nos visages !
Vous vous croyez prêt ? Êtes-vous prêt au regard du patient qui sort de réa, qui ne comprend rien à sa situation et encore moins pourquoi il se réveille à Chaumont.
« Et surtout, le patient Covid ne voit jamais nos visages ». Cette absence de signes communs de reconnaissance, d’identification, personne n’y songe à l’extérieur. Ici, elle est prégnante. Le patient ne voit que des yeux. Alors il faut en faire passer, des tonnes de choses, dans le regard. Et ça, ça ne s’apprend pas dans les écoles. C’est par le regard, et par la voix, l’intonation de la phrase, que tous ici entrent en relation puis nourrissent le lien avec le patient. Car les patients d’ici ne voient personne de l’extérieur. Ni famille. Ni amis. PER-SONNE. Tout le monde n’a pas une tablette à disposition ; parfois pas même un téléphone portable. « On transmet les messages. C’est nouveau. C’est tellement important ».
Les voilà donc en plus passeurs d’espoir, passeurs d’amour.
Chaque jour, ils savent en arrivant qu’ils sont là pour soigner. « On est juste au service du patient. La finalité est simple : soigner. C’est notre mission. On la connaît. C’est l’ennemi qu’on ne connaît pas. Là, on se doit d’être efficient sans le matelas scientifique de certitudes. On découvre en même temps que l’on agit ».
« La charge mentale est assez forte » consent à confier pudiquement Pascale Parisot, la cadre de santé du service. Au sein de l’équipe, tout le monde échange sereinement. Personne ne chuchote. Les voix sont toutes posées et savent réserver régulièrement une parenthèse à une bonne blague, puis cèdent volontiers à l’éclat de rire indispensable.
Ils se souviennent qu’au début, « il y avait la peur ; est-ce qu’on allait être à la hauteur ? ». Tous savaient ce qui se passait en Alsace ; ils attendaient la fameuse vague.
En fait, la charge physique s’est avérée moins lourde. Le Dr Gerboud loue la grande adaptabilité dont a fait preuve l’ensemble de son équipe. Il a fallu apprendre très vitre à travailler autrement. Tout le monde s’y est mis. « J’ai bénéficié autour de moi de femmes et d’hommes totalement investis. Absolument tout le monde a tenu son rôle, sans individualités ».
La reconnaissance
pour ceux
qui ont donné
L’énorme réorganisation s’est ainsi mise en place dans la cohésion, chacun prenant sa part : « Cette expérience unique laissera des souvenirs qui vont nous renforcer. On a acquis de nouveaux réflexes, de nouvelles compétences, ça laissera des traces positives ».
Naturellement, le service est isolé physiquement du reste du monde. Le service a tenu pourtant avec ce reste du monde. Tous ont insisté pour que soit évoquée ici leur reconnaissance « envers ceux qui ont donné ». Ceux qui ont donné des masques, ceux qui ont donné des combinaisons, etc. toutes choses qui ont réellement, précieusement servi. Ceux aussi qui ont fait des petits gestes, des petits plats, ces “petits” dons énormes qui participent encore aujourd’hui à l’effort engagé pour la vie. Jusqu’à ces dessins d’enfants en hommage aux soignants, placés stratégiquement sur le mur du couloir, qui rappellent quand on les frôle que dehors, ça envoie des ondes.
Ce ne sont peut-être pas des héros. Chacun en jugera. Mais ce qu’ils ont fait, naturellement, ensemble, ce qu’ils font encore aujourd’hui le long de leur couloir nimbé d’une lumière chaude, tout le monde peut-être ne l’aurait pas fait. Le moment venu, veillons à ne pas l’oublier.
Merci
Trois secteurs possibles attendent les patients Covid au sein de l’hôpital de Chaumont : Médecine 4 chez le Dr Bertrand Depernet pour tous les patients suspects ;
Court séjour gériatrique du Dr Claude Gerboud pour les patients Covid confirmés ;
L’unité de soins continus pour les patients intubés.
Un patient peut séjourner dans l’un ou l’autre ou les trois de ces unités Covid. Ceux qui arrivent dans le service du Dr Gerboud peuvent provenir de Médecine 4, après confirmation, ou de réa, après extubation.
Malgré leur charge de travail, le Dr Gerboud et son équipe ont accepté d’accueillir mardi exceptionnellement un intrus, journaliste, équipé d’un appareil photo. Ce service compte 21 lits “Covid”. À aucun moment ils n’ont été tous occupés.
Le service est composé de 14 aides-soignant(e)s, 12 infirmiers (ères) et une Agent de Service Hospitalier (ASH). Tous trouveront d’abord ici le témoignage d’une immense gratitude. La gratitude de ceux qu’ils ont soignés et guéris ; la gratitude de ceux qu’ils soignent aujourd’hui ; la gratitude des familles et de tous les anonymes qui leur rendent hommage le soir ; la gratitude enfin de celui qui tient cette plume ; la gratitude – qui sait ? – de ceux qui conserveront cette page qui leur est dédiée.
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