Se hâter lentement – L’édito de Patrice Chabanet
Entre les intentions affichées et le passage à l’acte, Donald Trump a la main qui tremble. Dès l’attaque à l’arme chimique menée par l’armée syrienne, il avait annoncé une réaction immédiate. Bachar al-Assad était traité d’animal et les missiles de croisière étaient prêts à partir. Mais jusqu’à hier soir, point d’action punitive. Il semblerait une fois de plus que le fantasque président américain ait confondu vitesse et improvisation. Le problème est de savoir, en effet, ce qu’on peut attendre d’un bombardement, même massif, contre les dépôts d’armes chimiques et la logistique de l’armée syrienne. La justification morale est là : le boucher de Damas ne doit pas imaginer qu’il peut martyriser son propre peuple. Mais au-delà, peut-on espérer sa chute ? Certainement pas.
La lenteur de la réaction américaine a une autre explication : la crainte d’un dérapage, concrètement des victimes collatérales dans l’armée russe présente sur le terrain. Fort habilement, Vladimir Poutine et ses diplomates agitent cette hypothèse. Elle est peu probable mais elle existe. C’est d’ailleurs l’argument utilisé par les pro-Russes qui nous rappellent, à l’envi, que la guerre de 14-18 a été provoquée par des enchaînements incontrôlables. Ce recours à l’Histoire a des parfums de propagande qui ne veut pas dire son nom. Il tétanise les opinions publiques et inhibe l’action des Etats. La France est bien seule, avec les Etats-Unis, à vouloir châtier le régime syrien pour ses crimes. La Grande-Bretagne hésite. L’Allemagne, elle, est plus claire : elle n’entend pas participer à une action militaire. Le Kremlin est pleinement conscient que, action punitive ou pas contre l’armée de Bachar al-Assad, ce dernier est en passe de gagner la guerre. Et que la Russie place des pions importants dans cette région du monde. L’Europe dans tout ça ? La réponse est dans la question. Le Vieux continent qui a vu naître l’esprit de Münich en est toujours pétri.