Savoir déléguer – L’édito de Patrice Chabanet
Ils n’y ont pas échappé : les gilets jaunes se sont désigné huit porte-parole. Ce faisant, ils entrent dans une nouvelle phase de leur mouvement, à savoir l’élaboration d’un embryon d’organisation. En même temps, ils commencent à en mesurer toutes les difficultés, comme les connaissent à leurs débuts tout syndicat, tout parti politique ou toute association. En l’occurrence, une partie de la base conteste déjà le mode de désignation et, donc, la représentativité des porte-parole. Dissensions normales dans un mouvement spontané de masse, profondément égalitaire, qui se méfie comme de la peste de l’avènement d’un appareil de type politique ou syndical. Le fait que la parole ne sera pas portée par une seule personne, mais par huit, est significatif à cet égard.
Autre difficulté : hiérarchiser les revendications. Au fil des jours, elles se sont singulièrement multipliées. Cela va de la baisse des taxes à la création d’une assemblée citoyenne, en passant par la baisse du pouvoir d’achat et la suppression du …Sénat. Cela fait penser aux cahiers de doléances de l’Ancien régime. On est loin de la simple question du prix du carburant. La revendication prend une coloration plus politique, un peu à l’instar de ce qui s’est passé en Italie avec le Mouvement 5 étoiles. Un front de plus pour Emmanuel Macron, mais pas une bonne nouvelle non plus pour les partis qui, quoi qu’ils en disent, voulaient récupérer cette contestation populaire.
On attend maintenant la réaction du chef de l’Etat qui s’exprimera aujourd’hui sur cette crise. Visiblement, il a (enfin) compris le message. Le plan mobilité présenté hier par la ministre des Transports insiste lourdement sur l’amélioration des infrastructures dans la France périphérique. Il n’y est plus question de péages urbains. Entre la désignation de porte-parole d’un côté et le tout début de la prise en compte de certaines revendications de l’autre, on sent l’amorce d’un dialogue qui ne veut pas encore dire son nom.
Publié le 27 novembre 2018