Sauver les libraires – L’édito de Patrice Chabanet
Entre le sanitaire et l’économie, l’espace dévolu à la culture est bien mince. Comme d’habitude, serait-on tenté de dire. Le plan de confinement le confirme une nouvelle fois, notamment dans le secteur du livre. Les librairies doivent baisser leurs rideaux au motif qu’elles ne font pas partie des commerces « essentiels ». Une manière de les ranger au rayon des suppléments d’âme, donc non prioritaires. Sauf que les dispositions du confinement faisaient apparaître deux poids, deux mesures. Fermeture pour les librairies traditionnelles, accès aux rayons livres dans les enseignes de la grande distribution. D’où un rétropédalage d’urgence : la grande distribution doit cesser la vente de livres. Sur la forme on peut relever une forme de rééquilibrage. A y regarder de plus près, une conclusion s’impose : la vente de livres n’a rien de prioritaire quels que soient les canaux de distribution. En attendant, un acteur tire les marrons du feu : Amazon qui peut poursuivre son activité. L’énorme rouleau compresseur de la culture de masse ignore l’impact du coronavirus. Certes les libraires pourront pratiquer le système du click and collect (commandes sur Internet et ventes en retrait). Un pis-aller qui ne change pas le fond du problème.
A la décharge du gouvernement, il est pris dans les tenailles de revendications souvent justifiées. Faire droit aux demandes d’une catégorie, c’est prendre le risque d’une contagion. Les coiffeurs ou les fleuristes estiment, par exemple, que leur rôle dans la société n’est pas mineur. Il n’en demeure pas moins vrai que le cas des librairies – ou du livre en général – a une spécificité qui prend un éclat particulier par les temps qui courent. Le livre est un outil de culture. C’est l’un des meilleurs contrepoisons contre la propagande maladive de l’extrémisme islamiste. En ce sens, il demeure essentiel et non pas un produit comme les autres.