Sans calculer – L’édito de Christophe Bonnefoy
L’histoire de Mamoudou Gassama est un peu celle de milliers d’autres sans-papiers : le déracinement, un combat au quotidien pour survivre, parfois ; un autre, aussi, pour tenter de voir régulariser leur situation, pour réussir à se loger, à trouver un travail. Le tout s’inscrivant, bien évidemment, dans le large débat politique sur l’épineux sujet de l’immigration.
Il aura suffi d’un acte de la part du jeune Malien – et quel acte, puisqu’il est de bravoure ! – pour changer sa vie. Il est subitement passé du lourd statut de celui qu’on regarde de travers, il ne faut pas se leurrer, à celui de héros dont on loue, à juste titre, le courage. Mamoudou Gassama n’a pas calculé. Il a réalisé ce que des dizaines d’autres personnes n’auraient jamais osé entreprendre : sauver une vie au péril de la sienne. La juste récompense, si l’on peut dire, sera une naturalisation à grande vitesse et la promesse d’un emploi. Le jeune homme a mis tout le monde d’accord, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Il ne s’est pas trouvé un parti, hier, pour trouver scandaleuse la promesse d’Emmanuel Macron de lui dessiner un avenir plus radieux en lui offrant la nationalité française et l’espoir d’un travail. Et c’est normal. Mais cette unanimité est suffisamment rare pour être signalée.
Indirectement, l’acte de Mamoudou Gassama interroge. Cet été doit être adopté le projet de loi durcissant les conditions de l’immigration et de l’asile en France. Il donne et donnera lieu à débat. C’est logique. Mais les images, en boucle sur les télés, de celui qu’il convient d’appeler un héros viennent rappeler une chose : derrière chaque sans-papier, chaque homme ou femme en situation irrégulière se cache, si l’on peut dire, un visage, une vie, un cas particulier dont on ne peut pas ne pas tenir compte. On a parfois tendance à l’oublier.