Saint-Dizier : le classement d’un hôpital, décryptage et intérêt
santé. L’établissement André-Breton a été classé E par la Haute autorité de santé (HAS), en 2021. Un choc pour le personnel de santé mais une annonce qui n’a pas inquiété les patients. Anne Chevrier, cheffe du service de certification à l’HAS, explique l’intérêt d’une telle démarche.
Alors que tous les médias ont parlé de classement quand ils ont évoqué le retrait de la certification de l’hôpital André-Breton, pour Anne Chevrier, cheffe du service de certification des établissements de santé à la Haute autorité de santé (HAS), ce terme ne correspond pas à la réalité. « Les journaux, les magazines parlent de classement, sous-entendant qu’on vérifie quel est le meilleur. Or, ce n’est pas le sujet de notre travail. Je parlerai plutôt de cotation. En effet, la patientèle va regarder ce qui la concerne, en fonction des thématiques et de la perception de chacun. Dans le secteur de l’accouchement, une parturiente peut privilégier le confort à la structure d’urgence. Tout dépend de ce que la personne recherche. C’est pour cela que notre évaluation comporte différentes catégories et que l’on met notre rapport sur internet, afin que chacun obtienne les informations qu’il souhaite », fait remarquer la responsable.
Une grille très précise
Il s’avère donc préférable de parler d’évaluation ou de cotation, basée sur des indicateurs très précis. Celle-ci est basée sur un socle commun à tous les établissements, « concernant le circuit du médicament, le droit du patient, le parcours du patient… ». Puis, différentes thématiques sont établies, liées à l’activité de l’établissement, comme la maternité, l’endoscopie… « On ne peut pas avoir les mêmes critères si les établissements sont mono ou multiactivités », relève Anne Chevrier. Et dans chaque thématique, de nombreux critères sont instaurés. A l’image d’un cahier des charges pyramidale très précis.
Les agents de l’HAS n’exercent pas seuls sur cette évaluation. « Nous travaillons en concertation avec les professionnels de santé, les associations d’usagers, les sociétés savantes et l’analyse bibliographique (toutes les publications du monde peuvent être source d’information pour l’évaluation, ndlr) », énumère la cheffe, qui ajoute :« Quand on publie ce genre de choses, on doit pouvoir argumenter si on nous le demande ».
La certification existe en France depuis 1999. L’évaluation est obligatoire, réalisée tous les 4 ans, via un programme de visites comportant des audits et une liste de patients traceurs. Actuellement, de nombreux centres hospitaliers ont été évalués selon le guide méthodologique V2014 de certification des établissements de santé. Cinq niveaux de décision existent : A, certifié ; B, certifié avec recommandations d’amélioration ; C, non certifié avec obligation d’améliorations ; D, non certifié avec réserves ; E, non certifié. « C et D sont des solutions intermédiaires. Après plusieurs rapports, on refait une visite, on regarde ce qui est mis en place sur un délai imparti et on prend une décision », explique Anne Chevrier.
Pour autant, être estampillé E ne signifie pas être dangereux. « Si c’était le cas, nous appliquerions l’article 40 du code de la procédure pénale. L’intérêt du rapport, c’est de réfléchir aux bonnes pratiques, de procéder à une réorganisation. Il permet aussi de déclencher un plan d’actions d’amélioration. Fermer les portes d’un établissement, ce n’est pas simple et cela veut dire qu’on n’a pas réfléchit aux solutions ».
A destination de trois publics
Cette évaluation s’adresse à trois types de public. Elle permet de donner au patient l’avis d’un organisme indépendant (HAS) sur la qualité de l’établissement, sur ce qui fonctionne ou pas. Elle donne aussi des indications aux professionnels de santé. « Ils peuvent être mobilisés pour améliorer la prise en charge s’ils sont moins bons que d’autres. Il ne s’agit pas d’une sanction, mais de juger pour mieux orienter leur démarche. De futurs professionnels connaissent ainsi le niveau de qualité et peuvent préférer tel établissement plutôt qu’un autre. ». Enfin, elle fournit de nombreuses informations aux tutelles que sont les Agences régionales de santé (ARS), qui accompagnent les établissements pour les mesures de financement et qui disposent du droit des autorisations.
Marie-Hélène Degaugue
Simplification
Les niveaux de décision (A, B…) sont en cours de changement. « Nous sommes en train de travailler à une simplification. Dans le nouveau dispositif, il y aura un macaron d’identification comme celui du nutriscore », annonce Anne Chevrier. La 5e version de la certification, la V2020, s’applique depuis 2020.
Plan d’actions déclenché à l’hôpital André-Breton
L’an dernier, le Centre hospitalier de la Haute-Marne (CHHM), dont fait partie l’hôpital André-Breton de Saint-Dizier, a été évalué niveau E sur le volet droit des patients par l’HAS. Des manquements avaient été pointés sur la liberté d’aller et venir des patients, ainsi que sur le respect de leur dignité et de leur intimité. Une annonce très mal vécue par le personnel de santé mais qui, pour certains professionnels, pouvait enfin aboutir à une transformation de l’établissement en raison de sa radicalité.
Des avancées concrètes
En effet, l’ARS Grand-Est semble s’être emparé du dossier. Selon ses dires, un consultant a été missionné pour « améliorer les pratiques et permettre la certification de l’établissement ». Ce dernier a procédé notamment à une vingtaine d’entretiens avec des responsables du CHHM. Le 30 novembre, un comité de pilotage comprenant l’ARS, la direction du Groupement hospitalier de territoire (GHT) cœur Grand Est (dont dépend le CHHM) et les professionnels de santé médicaux et paramédicaux du CHHM s’est réuni pour acter un plan d’actions. Ce dispositif compte « 12 actions stratégiques et 27 actions concrètes. Du respect du droit des patients à la réorganisation des unités, en passant par l’amélioration des conditions de travail, le fonctionnement du CHHM sera profondément repensé. »
Une deuxième réunion a eu lieu le 19 janvier pour « décliner rapidement le plan. » Une second comité de pilotage est prévu en mars. D’ores et déjà, « tous les documents stratégiques ont été mis en conformité avec les règles en vigueur, plusieurs réunions ont eu lieu avec les professionnels et le juge de liberté », assure l’ARS.
L’HAS a programmé une visite en décembre 2022, mais Anne Chevrier se veut confiante : « Il y a un accompagnement à la réorganisation et toute une nouvelle culture à inculquer ».